Introduction 

Presans occupe depuis dix ans maintenant un poste d’acteur, mais aussi d’observateur privilégié au sein d’un monde en constante évolution : celui de l’innovation industrielle. En 2020,  les stratégies d’innovation industrielle misent de plus en plus sur la R&D et sur l’expertise scientifique et technologique. Mais il n’en a pas toujours été ainsi : notamment au début de la décennie, qui est dominée par la figure héroïque de l’entrepreneur1. Cependant, durant cette même période, l’expert scientifique et technologique ne disparaît pas. Son retour en force s’esquisse dès le tournant du milieu des années 2010.

 

Début des années 2010 : l’entrepreneur, héros de l’innovation 

Le monde de l’innovation industrielle du début des années 2010 est marqué par le succès de la notion d’innovation ouverte, au sein de laquelle la figure de l’entrepreneur joue un rôle incontournable. Pour le montrer, il suffit de considérer une histoire bien connue dans le monde de l’innovation, que Henry Chesbrough, principal promoteur de l’innovation ouverte, prend comme point de départ de son analyse. Cette histoire, c’est celle du centre de recherche Xerox de Palo Alto, créé en 1970 au moment de l’expiration du brevet de la xérocopie et de l’arrivée d’une nouvelle concurrence issue du Japon. 

De nombreuses technologies sont inventées dans ce centre de R&D, dont Xerox ne retient finalement que celle de la photocopieuse laser. Parmi les inventions transformées en innovations par d’autres acteurs que Xerox : l’interface graphique pour ordinateurs. Nous avons déjà évoqué sur open-organization l’histoire de son appropriation d’abord par Steve Jobs, puis par Bill Gates : deux illustres entrepreneurs. L’interface graphique, qui ne s’intègre pas dans le modèle économique de Xerox, devient une killer app pour le nouveau produit que sont alors les ordinateurs personnels2

La génération entrepreneur et l’innovation ouverte constituent un acquis indispensable de cette période, même au-delà de la question de l’innovation : c’est tout le sens de l’esprit entrepreneur. Mais l’innovation reste le coeur du sujet. L’innovation ouverte, avec sa dimension entrepreneuriale, y apporte une contribution très bienvenue pour tous ceux qui cherchent à mieux valoriser et à mieux gérer la fonction de support qu’est la R&D. Au début des années 2010 dans le monde de l’industrie, ils sont nombreux.

 

Milieu des années 2010 : la R&D industrielle entame une nouvelle phase ascendante de cycle

L’un des facteurs durables qui motive la quête de la rationalisation de la R&D est le changement d’époque qui intervient vers le début des années 1970, que nous avons évoqué dans open-organization.com à plusieurs reprises. L’idée est simple : la moindre rivalité interétatique conduit à une redéfinition et à une diminution des budgets de R&D. Dit encore autrement : la compétition industrielle strictement économique n’opère pas avec des ressources illimitées.

L’idée peut être encore affinée, en distinguant, à la manière d’Albert Meige, entre la création de nouvelles briques technologiques, et la combinaison de ces briques dans de nouveaux produits. La combinaison de briques résulte en grande partie de l’initiative d’entrepreneurs, agissant au sein d’écosystèmes d’innovation. La création de briques fait en revanche appel en amont à des experts scientifiques et technologiques.

Au début des années 2010, les stratégies d’innovation industrielles ont beaucoup tendance à miser sur la combinaison de briques technologiques préexistantes. La crise financière de 2008 n’est pas loin. Comme le note Albert Meige, c’est une période durant laquelle le titre de Directeur de l’Innovation est souvent préféré dans les organigrammes à celui de Directeur de la R&D. Vers le milieu des années 2010, les choses changent : à la fois sur le plan des entreprises industrielles, comme sur celui des rivalités interétatiques. L’innovation technologique redevient un sujet central.

 

Fin des années 2010 : retour en force de l’expert scientifique et industriel 

La notion d’innovation ouverte recouvre des réalités fort diverses, selon les contextes. L’aspect organisationnel est cependant primordial. Il est frappant de constater que sur le plan de l’expertise scientifique et techniques, certains grands programmes de R&D militaire de l’époque de la Guerre Froide mettent en oeuvre des modes d’organisation précurseurs en bien des aspects de l’organisation ouverte. Dans le cas de Presans, l’organisation ouverte consiste à injecter de l’expertise scientifique et technologique dans des projets de R&D industrielle. Et ce qui apparaît, vu de notre fenêtre sur le monde de l’industrie, c’est que le besoin d’expertise scientifique et technologique, qui n’a évidemment jamais disparu3, augmente nettement vers la fin des années 2010. Les stratégies d’innovation industrielle s’appuient actuellement de plus en plus sur des projets de développement de nouvelles briques technologiques.

Trois entreprises permettent d’illustrer cette affirmation : 

  • Air Liquide : précurseur en matière d’innovation ouverte, le leader des gaz industriels compte sur sa capacité d’innovation technologique pour relever les défis de la société future de l’hydrogène.
  • L’Oréal, qui affirme qu’il est aujourd’hui devenu plus nécessaire que par le passé de disposer d’une recherche amont puissante, afin de saisir les opportunités offertes par les révolutions scientifiques et techniques en cours. 
  • Hutchinson : les objectifs de réduction des émissions de gaz à effet de serre placent actuellement tous les équipementiers face à de sérieux défis technologiques. 

Les experts scientifiques et technologiques retrouvent tout leur rang dans l’innovation. Eux aussi sont des héros de l’exploration4… et plus que jamais, il est indispensable de savoir comment tirer parti de leur potentiel. 

 

Conclusion : l’ouverture comme multiplicateur d’impact des experts

Nous avons vu comment la décennie précédente à imposé les acquis de l’esprit entrepreneur et de l’innovation ouverte. Mais ces dimensions ne suffisent pas : les entreprises doivent aussi faire sa place à l’expert scientifique et technologique. Or les malentendus pullulent dans ce domaine.

C’est afin de contribuer à dissiper ces malentendus, et fort de l’expérience accumulée en dix ans de mobilisation d’experts à la demande sur des projets de R&D industrielle, que Presans publiera prochainement son nouveau white paper : Experts create problems. Les entreprises pourront notamment y découvrir : 

  • Ce qu’est un expert aujourd’hui ;
  • les compétences fondamentales d’un expert ;
  • comment s’y prendre pour mobiliser de manière optimale un expert.

Les organisations s’ouvrent pour aller plus vite, cela a souvent été dit sur open-organization.com. L’ouverture et l’intensification de la course aux talents démultiplient l’impact des experts. Ce nouveau white paper Presans donnera aux entreprises les clés pour mettre l’ouverture aux experts au service de leurs capacités d’innovation.

Notes

  1. La notion d’entrepreneur héros demande à être nuancée. C’est l’écosystème qui innove, dont l’entrepreneur constitue une composante héroïque.
  2. Un autre exemple fameux permet de souligner le rôle de l’entrepreneur en tant qu’explorateur de nouveaux modèles économiques : quand  Kodak invente la photographie numérique mais refuse de miser sur dessus.
  3. Comment le font observer Albert Meige et Jacques Schmitt dans Innovation Intelligence, les grands entrepreneurs opèrent souvent en binôme avec un expert technologique : par exemple Bill Hewlett et Dave Packard, ou Steve Jobs et Steve Wozniak.
  4. Inutile de préciser que de nombreux individus combinent dans leur vie les deux dimensions de l’expert et de l’entrepreneur. Sans parler des multipotentiels et des méta-experts