Sous la bannière du NewSpace le secteur spatial connaît actuellement un fort regain d’activité.

Les acteurs du NewSpace se signalent par une approche entrepreneuriale, innovante et digitale des activités spatiales. Ces activités sont centrées sur le lancement de satellites de télécommunications en orbite basse. Cependant il serait trop réducteur de ne pas tenir compte d’enjeux plus larges touchant à la fois au contrôle et à la finalité de l’activité spatiale.

Trois questions se posent ainsi au sujet du NewSpace :

  • Quelles sont les innovations technologiques du NewSpace ?
  • Quels sont les enjeux géopolitiques du NewSpace ?
  • Quelle sont les visions sous-jacentes au NewSpace — peut-on parler d’une nouvelle étape au sein de l’ère spatiale, ou bien celle-ci n’est-elle pas en réalité déjà derrière nous ?

 

Les innovations technologiques du New Space

Le NewSpace est aujourd’hui tiré par une demande globale croissante d’accès à l’espace sous forme de satellites de télécommunications. Cette demande globale croissante résulte d’une réduction du coût global de l’accès à l’espace : d’une part le coût des lancements diminue ; d’autre part le coût et le risque des satellites diminue en raison de leur miniaturisation et de leur déploiement en réseau.

De nombreuses innovations concernent les lanceurs : réutilisabilité, petits systèmes de propulsion pour permettre aux satellites de se replacer dans une constellation, ainsi que des systèmes destinés à propulser des voyages interplanétaires (notamment nucléaires). Parmi les nouvelles technologies mobilisées, l’impression 3D.

Au-delà du lancement de satellites de télécommunications, le NewSpace est porté par une vision économique fondée sur l’exploitation de ressources spatiales, à commencer par celles de la Lune. La Chine a ainsi posé en janvier 2019 un module d’exploration Chang’e-4 sur la face cachée de la Lune pour recueillir des échantillons et effectuer des mesures. L’exploration est loin d’être terminée et pourrait entraîner la construction d’une base.

Les entreprises les plus emblématiques du NewSpace sont Blue Origin et SpaceX. Toutes deux sont portées par des visions à long terme qui vont bien au-delà du cadre d’une économie cislunaire. Les deux entreprises visent à faciliter les voyages spatiaux privés afin de permettre la libre colonisation de l’espace, via des satellites habitables ou par l’installation sur d’autres astres.

 

Les enjeux géopolitiques du NewSpace

Le NewSpace n’est cependant pas seulement déterminé par des facteurs économiques. Les technologies spatiales constituent de fait depuis longtemps un domaine de rivalité entre les grandes puissances. Qu’il s’agisse de satellites quantiques ou de nouvelles armes anti-satellites, le contrôle des infrastructures de télécommunications spatiales fait actuellement l’objet d’une nouvelle compétition technologique globale. Les USA envisagent notamment d’établir une “force de l’espace” comme nouvelle branche de leur forces armées.

La démocratisation de l’accès à l’espace, la croissance de l’activité spatiale privée, et l’émergence de nouvelles capacités et contre-mesures spatiales militaires suscitent une remise en question du cadre multilatéral actuel de la gouvernance spatiale.

 

Les visions sous-jacentes au NewSpace

L’exploitation commerciale ou militaire de l’espace ne suffit pas pour motiver la colonisation de l’espace. Les rivalités économique et militaire peuvent justifier le développement du secteur spatial seulement jusqu’à un certain point. En l’absence de vision à long terme de la colonisation de l’espace, l’ère spatiale pourrait bien en réalité se situer derrière nous.

Par le degré de coordination dans le temps et l’espace qu’elle suppose, une telle vision à long ne peut que reposer sur un acte de foi, de nature héroïque ou religieuse. L’innovation technologique peut mettre l’espace à portée des individus, mais elle ne peut pas créer le désir d’aller dans l’espace, et encore moins imposer ce désir à des individus uniquement centrés sur la consommation du temps présent.

La difficulté de coordination est un problème qui dépasse la question de la conquête spatiale. Elle se manifeste plus directement dans les dégâts, notamment écologiques, engendrés par la forte croissance de l’humanité suite aux révolutions industrielles.

Outre les dimensions commerciale et militaire, c’est l’idéal de la connaissance scientifique qui a, de fait, impulsé une large partie de l’activité spatiale depuis ses débuts. La rivalité pour le prestige scientifique est un facteur non négligeable dans le maintien des activités spatiales après la fin de la course à l’espace vers la fin des années 1960.

C’est le projet de satellites Symphonie pendant les années 1960 et 1970 qui est, concrètement, à l’origine de la coopération spatiale européenne. Cette coopération, aujourd’hui portée par l’Agence Spatiale Européenne, permet de conjuguer ambitions scientifiques et commerciales, et de préserver une part de souveraineté dans ce domaine.

L’avantage de l’Europe pourrait résider dans sa capacité à combiner la compétition entre les pays qui la composent, la centralisation des efforts sur de grands projets tels que la conquête spatiale, et la coopération avec les autres acteurs internationaux. Il est intéressant de noter que des instruments européens étaient greffés sur l’atterrisseur lunaire Chang’e-4, et que des coopérations futures de cette nature sont prévues. Pour pleinement combiner compétition,  centralisation et coopération, le mieux est de disposer d’une vision embrassant à la fois l’idéal scientifique, l’ambition commerciale, et la souveraineté politique.