Se transformer au contact du client et en s'appuyant sur sa compétence fondamentale

Le groupe Thales est actif dans les secteurs de la défense, de l’aéronautique, de la sécurité, du spatial et du transport terrestre. Nous avons récemment rendu compte de la transformation digitale opérée par Thales à travers sa Digital Factory. Cependant la transformation digitale ne constitue qu’un aspect de la stratégie d’innovation du groupe. Pour comprendre cette stratégie, je suis allé à la rencontre de Marko Erman, Directeur Recherche & Technologies.

 

La maîtrise des systèmes d’information critiques comme compétence fondamentale

Il m’a rappelé que la compétence fondamentale de Thales, au sens de ce qui rend l’entreprise compétitive, réside dans la maîtrise des systèmes d’information critiques : sécurité, contrôle, prévision, gestion des risques. C’est cette compétence fondamentale qui guide l’effort substantiel de Thales pour innover : plus de 20% du chiffre d’affaires dépensé en R&D, plus du tiers des employés du groupe affectés à la R&D (chercheurs et ingénieurs).

La notion de système d’information critique renvoie à celle du moment décisif : là où se joue le sort d’un système de données ou d’objets, d’une infrastructure, ou d’un groupe de personnes. Là où, en d’autres termes, la marge d’erreur doit être nulle.

Parce que Marko Erman se trouve aussi être un photographe émérite, je ne résiste pas ici à la tentation de mentionner le fameux Instant décisif capturé par Doisneau… Un rapprochement qui suggère que le caractère du décisif emporte avec lui une certaine idée de la perfection.

(Tiré du rapport d’activité 2017)

C’est d’abord en devenant l’un des acteurs majeurs de la souveraineté technologique française que Thales a pu acquérir cette compétence fondamentale. Pendant trente ans Thales a notamment conçu et assuré le fonctionnement du système d’information du Ministère de la Défense. On peut d’ailleurs noter que la vision de la souveraineté digitale européenne défendue aujourd’hui par Thales s’inscrit dans la continuité de ce rôle historique.

 

Cueillir les fruits d’une stratégie réussie de verticalisation

Avec l’arrivée à sa direction de Patrice Caine en 2014, le groupe a consolidé une stratégie de verticalisation largement axée sur la proximité aux clients finaux.

En cohérence avec cette stratégie, Thales a pris la mesure de la diversité des contextes dans lesquels ses clients opèrent. Contrairement à la DGA (Direction Générale de l’Armement), les acteurs civils ne sont pas nécessairement en mesure de fournir par eux-mêmes les spécifications complètes des besoins des utilisateurs. Pour s’adapter à la diversité des contextes, Thales a développé une capacité de co-développement de solutions et de prototypes, fondée sur la proximité aux utilisateurs.

Parmi les expériences qui ont contribué à forger cette nouvelle capacité à faire converger le désirable et le faisable : le développement sur une période de plusieurs années, et de nombreux prototypes fontionnels testés par des utilsateurs, d’un cockpit du futur par une équipe Thales basée à Bordeaux.

Un bel exemple de projet où la compétence fondamentale de Thales se déploie dans un contexte nouveau est la sécurisation des flux liés au pèlerinage de la Mecque.

 

La montée en puissance de la composante digitale de la transformation

Face à ces développements profonds et massifs de l’activité du groupe dans des verticales civiles, la transformation digitale apparaît comme un facteur supplémentaire venant renforcer l’orientation vers l’utilisateur du groupe.

Le spatial est le premier marché où l’impact de la transformation digitale – plus les méthodes de travail et d’innovation liées au numérique que les technologies numériques elles mêmes – est apparue au grand jour. SpaceX, les projets de nano ou micro satellites, ontnotamment beaucoup contribué à dessiller le regard du monde industriel.

Les nouveaux acteurs se caractérisent par leur faible taille et leur grande rapidité. Bien qu’il soit indispensable de rendre les grands groupes plus agiles, Marko Erman estime illusoire de chercher àtransformer l’organisation des grands groupes dans l’espoir d’en faire des startups. Le compromis prise de risque / vitesse est différent dans un grand groupe de ce qu’il peut être dans une start-up.

L’agilité et la capacité de pivoter des startups sont liées à leur mode de financement, adapté à une exploration darwinienne d’un espace hautement risqué, où le nombre d’élus est infime en comparaison de celui des prétendants.

« Pour un entrepreneur, l’échec fait partie de la courbe d’apprentissage. » — Marko Erman

Une phrase qui choque en France, moins aux États-Unis où certains investisseurs exigent que l’équipe d’une startup soit en possession de plusieurs expériences d’échecs entrepreneuriaux.

S’ils doivent éviter de vouloir tout bouleverser d’un coup, les grands groupes ne doivent cependant pas rester les bras croisés. La stratégie de Thales a consisté à créer une petite structure, capable d’explorer et de diffuser vers le reste du groupe ce qui marche : la Digital Factory.

La Digital Factory de Thales répond à une tendance de fond : proposer un service rendu supérieur en s’appuyant sur des systèmes technologiques plus connectés, plus intelligents, plus collaboratifs, capables d’autonomie partielle.

Pour Thales, l’objectif n’est rien de moins que de devenir une plateforme digitale incontournable au sein de l’écosystème global des grands projets d’infrastructures civiles ou militaires où la sécurité est essentielle. Et ce peu importe les changements en cours dans la tectonique des plaques géopolitiques.

 

Pour innover, il faut décloisonner

Devenir une plateforme signifie aussi gagner la guerre des talents technologiques que se livrent actuellement les entreprises et les pays. Recrutement, rétention des meilleurs, conditions de travail, défis : tout doit être conçu pour apporter du bonheur aux ingénieurs R&D et chercheurs du groupe.

À la fin, il s’agit de favoriser l’appropriation de l’innovation par l’ensemble des acteurs du groupe, en élargissant le cercle des convaincus, des sponsors, de ceux qui partagent le même vocabulaire à travers l’ensemble des fonctions, des verticales et des sites.

« L’innovation ne peut pas être seulement l’affaire d’une direction d’innovation  » — Marko Erman

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Une compétence fondamentale, ce n’est pas toujours la même chose qu’une raison d’être ou qu’une mission inspirante. Mais dans le cas de Thales, nous pouvons dire que ça l’est.

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