Cette fiche sur la technologie CRISPR synthétise quelques faits jugés significatifs par nos Fellows dans le cadre de l’activité Presans Platform.

1. Qu’est-ce que CRISPR ?

Les systèmes CRISPR sont une technologie, utilisée pour la première fois en 2012, permettant de modifier de manière ciblée la séquence de bases nucléiques d’une molécule d’ADN. Ils se composent d’une enzyme et d’une séquence d’ARN qui lui est associée de manière artificielle.

L’enzyme accomplit une opération sur un double brin d’ADN. Comme la séquence ARN est choisie pour correspondre à une séquence d’ADN, l’enzyme n’est activée qu’à un endroit précis du brin d’ADN. L’opération de l’enzyme est typiquement une coupure du brin d’ADN : c’est le cas notamment dans le cas de l’enzyme Cas9, qui est la première à avoir été utilisée ainsi.

Il devient ensuite possible d’insérer une autre séquence, ou souder les brins aux deux bouts de la coupure.

 

2. Le résultat d’une longue histoire

La biologie moléculaire prend son essor à partir les années 1940 et obtient son premier grand succès avec la découverte en 1953 de la structure en double hélice de l’ADN par Crick, Watson, Wilkins et Franklin. Dès les années 1970, la science accumule suffisamment de résultats pour intégrer les différents niveaux d’organisation biologique dans une vision d’ensemble centrée sur les mécanismes d’expression protéinique de l’ADN. Le livre Le Hasard et la nécessité, de Jacques Monod reflète bien cette époque.

La fin des années 1980 voit l’arrivée des premières tentatives de thérapie génique basées sur des vecteurs viraux : ajouter des gènes à un virus, puis injecter le virus modifié dans un organisme pour qu’il modifie l’ADN de ses cellules. La multitude de techniques qui s’inscrivent dans cette approche se caractérise par son manque de précision.

Par la suite, de nouveaux éléments contribuent au développement de l’ingénierie génétique :

  • Réaction en chaîne par polymérase (PCR)
  • Découverte des enzymes de restriction (dont Cas9 fait partie)
  • Techniques de séquençage aboutissant au séquençage complet du génome humain en 2003

 

CRISPR, qui signifie «répétitions palindromiques régulièrement espacées», s’ajoute à cette liste de progrès de l’ingénierie génétique. Sa découverte est issue de la recherche fondamentale dans le domaine des enzymes de restriction, ainsi que de l’étude des bactéries.

Le progrès des techniques de séquençage a permis d’identifier dans l’ADN de certaines bactéries des séquences CRISPR. Les recherches portant sur la fonction de ces séquences a établi qu’il s’agissait de séquences d’origine virale destinées à être utilisées par les enzymes Cas9 pour identifier puis neutraliser des virus : l’ARN correspond aux séquences CRISPR permet de guider les enzymes.

La possibilité de substituer une séquence ARN quelconque à celle utilisée par les bactéries permet ainsi d’exploiter un mécanisme issu du système immunitaire des bactéries pour éditer l’ADN d’autres types de cellules.

Les noms principaux associés au développement de CRISPR sont Jennifer Doudna, Emmanuelle Charpentier et Feng Zhang.

 

3. Applications

L’utilisation de systèmes CRISPR est rapide, simple et peu coûteuse en comparaison d’autres méthodes. Cet avantage résulte du fait que seule la partie ARN a besoin d’être modifiée pour permettre à l’enzyme d’atteindre sa cible.

Les applications concernent directement les domaines de la médecine et de l’agriculture. Le potentiel semble cependant bien plus vaste.

À titre d’exemple, un partenariat de 15 millions de dollars entre une société américaine et la DARPA vise actuellement à concevoir de nouveaux probiotiques afin de protéger les soldats contre des maladies de l’estomac.

Autre exemple : la firme Monsanto a investi 125 millions de dollars dans une startup pour appliquer CRISPR au développement de nouveaux OGM.

Une guerre des brevets est actuellement en cours entre les trois entreprises créées par les laboratoires à l’origine du développement de CRISPR.

 

4. Pistes de développement

Une exploration intense du monde bactérien est actuellement en cours pour identifier des enzymes semblables à Cas9. Cette exploration est notamment à l’origine de l’utilisation dans des systèmes CRISPR de Cpf1, Cas13, Cas3, CasX et CasY.

Les recherches portent également sur les vecteurs viraux qui permettent d’introduire des CRISPR dans les cellules, afin de pouvoir généraliser l’application de cette technique à un maximum de types de cellules, y compris les neurones.

Le développement de l’intelligence artificielle est par ailleurs susceptible de stimuler le développement

 

5. Ramifications éthiques

De manière générale, la complexité des interactions entre gènes doit conduire à prendre du recul avant d’utiliser des techniques de forçage génétique pour, par exemple, éradiquer des espèces jugées nuisibles.

Même dans le cas de maladies causées par un gène, il convient toujours de se demander quelles autres fonctions seraient supprimées par l’élimination du gène fautif.

Ces questions ne se posent pas seulement dans le cas de CRISPR. Cependant, la puissance apportée à l’ingénierie génétique par l’outil CRISPR rend ces questions plus actuelles que par le passé.