Retour sur une mise à l’agenda réussie : l’industrie 4.0.

J’écrivais fin août 2016 que jusqu’au début des années 1970, notre vision de l’avenir était optimiste, en l’occurrence largement axée sur la conquête de l’espace.

Selon Peter Thiel, les visions de l’avenir actuelles se caractérisent en revanche soit par leur pessimisme, soit par leur manque de clarté. Ainsi les USA seraient confusément optimistes, les européens confusément pessimistes, et les Chinois pessimistes en toute clarté : croissance sans fin et sans base rationnelle pour les premiers, festivisme face au sentiment de décliner pour les seconds, accumulation de réserves pour se préparer à une crise jugée inéluctable pour les troisièmes.

Pareille analyse mériterait discussion. Ne discernons-nous pas en effet des tendances qui semblent la contredire? Elon Musk aux USA, le projet One Belt One Road en Chine, ou encore les projections influentes de Jeremy Rifkin viennent au minimum nuancer l’application du schéma thielien. Parmi ces grands projets récemment mis à l’agenda global figure aussi celui de l’industrie 4.0.

Qu’est-ce que l’industrie 4.0?

Le texte de référence sur l’industrie 4.0 est le rapport gouvernemental Industrie 4.0 — Innovationen für die Produktion von morgen (2ème édition avril 2015). Ce document constitue un appel à investir stratégiquement dans l’industrie 4.0, et contient une présentation des acteurs allemands de ce thème de recherche. L’industrie 4.0 désigne la révolution de l’automatisation de la production par les systèmes cyber-physiques, l’Internet des objets, et le cloud, venant à la suite de la première (machine à vapeur), de la seconde (électrification et production à la chaîne) et de la troisième (ordinateur et automatisation) révolutions industrielles.

Les investissements dans des projets industrie 4.0 se répartissent ainsi [source] :

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Selon un rapport du BCG, l’horizon temporel de déploiement de l’industrie 4.0 se situe vers 2040.

Pourquoi « 4.0 »?

Dans Industrie 4.0 — Anstoß, Vision, Vorgehen (in Handbuch Industrie 4.0, Band 4 2ème édition Springer 2017), Siegfried Dais établit deux analogies : une analogie entre première et troisième révolutions industrielles, centrées sur les machines, et une autre analogie entre seconde et quatrième révolutions industrielles, centrées sur l’amélioration de l’organisation et du guidage de la création de valeur. La disruption des chaînes de valeur serait à terme réelle sous l’apparence actuelle d’optimisation incrémentale.

Étapes d’une mise à l’agenda

2011 : Foire d’Hanovre

Lancement de l’initiative industrie 4.0. Première publication portant sur l’industrie 4.0.

2013 : Foire d’Hanovre

Présentation des conclusions des groupes de travail de la mission de recherche « industrie 4.0 ». Lancement du groupement « plateforme industrie 4.0 ».

2016 : Forum de Davos

Sous la plume du professeur Schwab, le contenu de la notion devient plus englobant : elle désigne désormais la digitalisation de l’économie par la biotechnologie, les robots, les imprimantes 3-D et les véhicules autonomes.

En France, Emmanuel Macron s’est montré réceptif au thème de l’industrie 4.0 lorsqu’il dirigeait le Ministère de l’Économie, de l’Industrie et du Numérique.

Jeremy Rifkin a lui aussi de fait intégré le terme « industrie 4.0 » dans son propos, non sans avoir d’abord tenté de lui barrer le chemin.

Conclusion

L’Allemagne se positionne globalement comme une usine à usines. La mise à l’agenda de l’industrie 4.0 peut être lue comme un acte allemand de leadership en vue d’établir une souveraineté digitale  dans le domaine industriel.

Nous pouvons donc affirmer que l’Europe contient aussi une part sérieuse d’optimisme.