Les enjeux de souveraineté digitale liés à l’Internet des objets (IoT) n’ont pas échappé à l’auteur de science-fiction Bruce Sterling. Dans son essai publié en 2014 La Lutte épique de l’Internet des objets, il imagine la méfiance de titans asiatiques tels Huawei ou Samsung face à « l’alliance stratégique de GE, AT&T, IBM, Cisco et Intel ». Curieusement, l’entreprise Siemens n’est pas mentionnée dans ce contexte. L’entreprise allemande concurrente de GE déploie actuellement sa propre approche de l’Internet des objets. Elle aussi propose à ses clients un « système d’exploitation » « ouvert » et « dans le cloud » pour l’IoT, sous le nom de Mindsphere. Cette plateforme est donc un concurrent direct de Predix, développé par GE.

Digital Factory est le nom de l’une des dix divisions du groupe Siemens, actuellement dirigée par Jan Mrosik. C’est elle qui commercialise Mindsphere, à côté d’une foule de logiciels, entre autres dédiés à la gestion du Product Lifecycle Management.

Afin de coller au plus près des pratiques de ses clients, Siemens a bâti un certain nombre d’alliances technologiques, en vue de développer des applications, d’intégrer des systèmes, de développer des technologies, ou de fournir des infrastructures. Au sein de ce système d’alliances se trouvent SAP, Microsoft, IBM, Atos, Accenture, Evosoft, et AWS.

Par ailleurs, la réalisation des ambitions digitales de Siemens s’appuie aussi sur une politique d’acquisitions d’entreprises informatiques telles que CD-adapco. Le montant des acquisitions d’entreprises informatiques aux USA depuis 2007 s’élève à $10B.

La démarche de Siemens s’intègre dans l’ensemble des initiatives en faveur de l’industrie 4.0. De ce fait, c’est la future usine intelligente qui se trouve mise au cœur de la concurrence des plateformes digitales industrielles. À l’image de l’Allemagne, Siemens se conçoit à la fois comme une usine et comme une usine d’usines, et donc comme le premier client et bénéficiaire des optimisations apportées par le digital industriel.

Dans un article datant de janvier 2017, The Economist fait une comparaison entre Siemens et GE sous le rapport de leurs stratégies respectives en matière d’IoT. Il y est suggéré que GE avance à grande vitesse dans ses projets IoT, là où Siemens adopterait une approche plus réfléchie. « GE est en train de complètement se réinventer, tandis que Siemens reste proche de ses racines. » Concrètement, Siemens a déjà développé un grand nombre de logiciels adaptés aux besoins de différents types de clients. Le géant industriel allemand n’aurait par ailleurs aucun intérêt à court-circuiter ses clients fabricants de machines-outils dans leurs relations avec leurs propres clients. Selon l’article, GE et Siemens se distinguent l’un de l’autre aussi sur la question de la propriété intellectuelle des algorithmes utilisés par leurs plateformes : « GE affirme en détenir la propriété, Siemens est beaucoup moins catégorique ».

Bruce Sterling a caractérisé la disruption engendrée par la concurrence entre GAFA à travers un terme très particulier : le « wrangling ». La concurrence dans le domaine de l’IoT peut-elle susciter de nouvelles formes de wrangling? L’évolution de la structure du marché y sera-t-elle moins déterminée par l’effet de réseau que dans l’Internet grand public? Dans ce cas, la coexistence d’une multiplicité de plateformes serait envisageable.

La concurrence entre les plateformes IoT pourrait dans tous les cas permettre à l’Europe de se bâtir un premier socle de souveraineté digitale.

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