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Nos chaînes de valeur sont bousculées très fort et très vite depuis une quinzaine d’année. La première vague de disruptions a principalement concerné les secteurs B2C (musique, banque, assurance, transport etc.). Aujourd’hui la seconde vague arrive : les règles du jeu dans les secteurs B2B à forte intensité capitalistique sont sur le point de changer complètement. Peut-on imaginer un Uber de l’Oil & Gas ? Comment injecter suffisamment d’agilité dont nos grandes entreprises pour survivre ?

Trois tendances transsectorielles qui changent la donne

Dans mon dernier article publié dans Pétrole & Gaz Information, j’expliquais quelles étaient les trois tendances disruptives qui bousculent nos entreprises – quel que soit le secteur industriel concerné. En résumé :

Tout d’abord, on assiste à une inflation exponentielle du volume des connaissances. Cette année, la quantité de publications scientifiques dans le monde dépassera les 5 millions et le nombre de brevets avoisinera le million.

Ensuite, le rythme auquel un nouveau produit devient une commodité s’accélère. Pour continuer à se différencier et à préserver ses marges, la tendance est de packager avec le produit un ensemble de services pour la chaîne de valeur. Par exemple, Michelin, sur son segment professionnel, ne vend plus des pneus, mais des kilomètres d’atterrissage.

Enfin, la digitalisation précipite la reconfiguration des chaînes de valeur traditionnelles. Il y a 15 ans l’industrie de la musique était complètement transformée par un acteur du numérique, Apple. Depuis, tous les secteurs B2C ont été touchés – c’est la première vague. Mais la seconde vague arrive : les mêmes stratégies dites de plateforme, sont en train de voir le jour dans les secteurs B2B industriels.

Vers un Uber de l’Oil & Gas ?

En 2014, Google fait l’acquisition de NEST Labs, une entreprise qui fabrique des thermostats connectés, pour 3,2 milliards de dollars. Panique dans les états major des énergéticiens. Pourquoi Google a-t-il fait cette acquisition? Google implémente la stratégie habituelle des barbares du numérique: capturer la relation client grâce à un cheval de Troie. Dans le cas présent, un produit sympa couplé à des services pour optimiser sa consommation d’énergie. Une fois la relation client, autrefois détenue par les énergéticiens, capturée par Google, les acteurs historiques se retrouvent au rang de commodité, alors que Google en profite au passage pour aussi capturer les marges. 

Attardons nous sur cette troisième tendance. Il y a environ un an, j’étais invité par le Directeur de la Propriété Intellectuelle de Total pour donner une conférence sur l’innovation et la digitalisation. On me demanda de traiter la question suivante : peut-on envisager un Uber de l’Oil & Gas? En d’autres termes, est-ce que ces stratégies disruptives de plateforme, évoquées plus haut, peuvent être imaginées dans un secteur à forte intensité capitalistique, tel que l’Oil & Gas ? Cette question a été le point de départ de nombreuses discussions avec les principaux acteurs du domaine, de recherches et de réflexions sur le sujet.

Dans le secteur de l’énergie, il existe de nombreuses initiatives. Le rachat de NEST par Google (voir encart), ou bien la fusion entre deux des entreprises dirigées par Elon Musk, Tesla et Solar City sont des exemples édifiants.

Mais quid de l’Oil & Gas ? L’Exploration Production est un business à risque et à rendement élevés. On parle de dizaines de milliards d’euros d’investissements. Ce n’est pas demain qu’une startup dans un garage va sortir une app qui va désintermédier le secteur ! Et pourtant…

Des plateformes pétrolières aux plateformes numériques ?

Et pourtant certains acteurs commencent à faire bouger les lignes. Par exemple, General Electric (GE) a annoncé dès 2014 le lancement de sa plateforme Predix. Predix est une plateforme logicielle permettant à des tiers de développer des applications pour améliorer la performance du système utilisant des produits GE. Que se passe-t-il ici ? Le fournisseur d’équipement, devient aussi le fournisseur de l’infrastructure qui permet à des tiers de construire de nouveaux services s’appuyant sur ces équipements (maintenance prédictive etc.). Déplacement dans la chaîne de valeur à prévoir. Et donc déplacement de la capture des marges. GE, avec sa plateforme Predix, est en train de déployer la même stratégie qu’Apple avec l’AppStore, mais pour des applications industrielles.

Il existe par ailleurs une multitude de startups en tout genre qui se lancent, tels des pirates, pour exploiter les failles du système établi. La startup SpotLight qui a remporté le Prix de l’Innovation d’Evolen est un bon exemple. Leur projet ? Disrupter l’acquisition et le traitement de données pour la production d’huile… Alors que les acteurs en place misent tous sur de plus en plus de mesures, de plus en plus de données, de plus en plus de puissance de calcul, eux, Spotlight mise sur un retour au besoin de l’utilisateur final. Et dans ce cas, cela veut dire le moins de données possible. Histoire à suivre.

Injecter de l’agilité pour survivre

Pour survivre ­– car c’est bien de cela dont il s’agit – l’organisation doit se transformer. C’est pourquoi toutes les grandes entreprises se demandent comment atteindre l’agilité d’une startup malgré leurs dizaines ou centaines de milliers de collaborateurs. La réponse, c’est une nouvelle forme d’organisation. Une entreprise ouverte et décentralisée.

L’entreprise traditionnelle se transforme souvent par le biais de nouveaux venus dans l’organigramme – le directeur innovation, le directeur de la transformation digitale etc. Mais aussi par de nouveaux dispositifs – incubateurs, accélérateurs, innovation labs etc. Elle ancre sa transformation aussi en ayant recours à de nouveaux outils, par exemple, une plateforme d’experts telle que Presans, très active dans le secteur de l’énergie et de l’Oil & Gas en particulier, et qui permet de mobiliser seuls ou en équipe les meilleurs parmi un réseau de plus de 6 millions d’experts.

Autant d’initiatives locales dont l’objectif, au fond, est d’injecter de l’agilité au sein de l’entreprise et ainsi faire face aux disruptions profondes et rapides évoquées plus haut.

 

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Cet article a été initialement publié dans le numéro hors série de Pétrole et Gaz Information de décembre 2016.