Entendu comme un objet technologique, le drone est un symbole de la virtualisation de la vie au sens où, d’une part, les décideurs sont déconnectés des conséquences locales de leurs actes, et, où, d’autre part, leur pouvoir d’action est augmenté. «Virtuel» a la même racine étymologique que «vertu», «virus» et «viril», dénotant la force. Il existe aujourd’hui d’innombrables applications de la technologie des drones à des problèmes réels, allant de l’agriculture aux opérations de maintenance industrielle en passant par les arts et le divertissement.

Le drone comme révolution technologique

L’un des premiers domaines d’application est la défense. Il ne fait aucun doute que les futurs développements de drones militaires se concentreront sur l’amélioration de l’interface grâce à laquelle ils peuvent être contrôlés à distance. La réalité virtuelle et les interfaces neuronales contribueront à rapprocher la guerre d’un jeu vidéo.

Le discours de Frédéric Charon dans DYSTOPIA 2019 suggère que l’interface automobile optimale sera probablement celle qui permet au pilote de garder ses pieds sur terre au lieu de complètement transformer le pilotage en jeu abstrait. Est-ce que cette remarque s’applique aux drones ? Quel est le meilleur prédateur : celui sans peau dans le jeu ou celui avec ? C’est peut-être la grande question de l’âge des drones.

Drone Predator


Au même moment, les jeux vidéo et autres simulations cherchent à offrir des expériences toujours plus immersives. L’intervention de Gaël Seydoux à DYSTOPIA 2019 a montré que les technologies développées aujourd’hui visent à inventer des mondes mixtes qui immergent les êtres humains dans des expériences narratives et interactives.

Le drone comme mutation anthropologique

L’idée même que la virtualisation repoussera les limites des expériences narratives montre que l’âge des drones va bien plus loin qu’une question de marketing technologique. Sur le plan anthropologique, nous connaissons bien l’idée du «drone de bureau», c’est-à-dire le fait d’être réduit à un rôle évoquant le comportement d’un insecte ou d’un robot, qui a inspiré Fight Club de Chuck Palahniuk. Les expériences utopiques promises par la réalité virtuelle ou augmentée pourraient bien être un autre nom pour la dronification de l’humanité. Les individus dronifiés vivront pour maximiser le temps qu’ils passent dans des réalités virtuelles. Beaucoup le font déjà, certains préférant même la mort à l’interruption de leur expérience de jeu.

L’avenir pourrait être dominé par la quête individuelle de déconnexion virtuelle d’une planète-poubelle, écologiquement déstabilisée, dans laquelle les drones faux-bourdons d’origine biologique, c’est-à-dire les abeilles mâles, ont été éliminés et remplacés par leurs homologues technologiques. Les cieux pourraient un jour s’assombrir sous leurs essaims… mais si nous parvenons à nous soustraire complètement aux conséquences locales de nos actes, nous ne les verrons pas.