(Couches du Metaverse – illustré par Samuel Babinet)

Certaines des technologies qui sous-tendent le Metaverse, tel que nous l’avons défini dans notre précédent article, ne sont pas particulièrement nouvelles. Pourtant, depuis les annonces de Facebook (devenu Meta) en septembre 2021, on peut avoir un sentiment ambivalent : soit le Metaverse est quelque chose de complétement nouveau, soit le Metaverse est simplement le re-packaging d’un ensemble de technologies en cours de développement depuis plusieurs décennies.

Qu’en est-il exactement ? Quelles sont les briques qui composent le Metaverse ? Quelles sont les technologies dans chacune de ces briques ? Quelle est la maturité de chacune de ces briques ? Quand seront-elles matures ? Quand peut-on espérer (ou redouter) l’avènement du Metaverse ?

Pour commencer à répondre à ces questions, cet article présente le framework que nous avons développé chez Arthur D. Little. Ce framework vise à représenter l’architecture du Metaverse en six couches. Six couches qui couvrent « la chaîne de valeur » du Metaverse. Six couches dont le niveau supérieur correspond aux nouvelles expériences et business models et dont le niveau inférieur correspond à l’infrastructure matérielle et logicielle requises.

Metaverse Layers - Arthur D Little - Albert Meige - Michael Papadopoulos
Figure 1 – les six couches architecturelles du Metaverse, selon Arthur D. Little

 

Couche #1 : Experience Continuum – les usages et le business

La couche #1, que nous avons nommée Experience Continuum, est la couche qui rassemble l’ensemble des nouveaux usages et des nouveaux business models, existants et à venir. Ces nouveaux usages et business model brouillent les frontières entre la réalité et la virtualité, tel que nous l’avons défini dans notre article précédent (penser notamment réalité augmenté et creator economy). A l’instar d’Internet aujourd’hui les cas d’usage peuvent être segmentés selon trois catégories : individus (socialiser, se distraire, jouer etc.), entreprises (échanger, collaborer etc.) et industrie (modéliser une chaine de production ou un réseau de distribution).

 

Couche #2 : Human-Machine Interfaces – la porte d’entrée

La couche #2, que nous avons nommée Human-Machine Interfaces (interfaces homme-machine, ou HMI), comme son nom l’indique, est la couche qui permet aux humains de percevoir et d’interagir avec la couche #3. Les HMI sont la porte d’entrée vers le Metaverse. Les HMI comprennent un mix de hardware et de software permettant aux utilisateurs d’envoyer des inputs vers la machine et à la machine d’envoyer des outputs aux utilisateurs, et ainsi former une boucle d’interaction cohérente. Certaines des technologies sous-jacentes, comme le clavier et la souris du côté des inputs ou les écrans du côté des outputs, sont très matures. D’autres technologies, comme les interfaces cerveau-machine, sont au contraire beaucoup moins matures. Entre les deux, il existe tout une gamme d’IHM plus ou moins matures telles que les caques de réalité virtuelle et/ou augmentée, l’holographie, les interfaces haptiques. Plus ces technologies progresseront, plus l’immersion et l’interaction avec le Metaverse impliquera nos cinq sens.

 

Couche #3 : Extended Reality – la face visible

La couche #3, que nous avons nommée Extended Reality (Réalité Étendue, ou XR), correspond à la représentation immersive qui augmente ou remplace la réalité. Il s’agit d’un spectre allant du 100% réel au 100% virtuel. La réalité étendue combine le monde et des objets réels à une ou plusieurs couches de données, d’informations ou de présentations virtuelles générées par ordinateur. Ainsi, la réalité étendue est d’une certaine manière la face visible du Metaverse. La réalité étendue inclue la réalité virtuelle (VR) et la réalité augmentée (AR), ainsi que tout un spectre de possibilités entre les deux. Les technologies qui la composent sont elles aussi à des degrés de maturité variables. Par exemple, la réalité virtuelle est aujourd’hui beaucoup plus mature que la réalité augmentée. Plus ces technologies se développeront, plus elles convergeront et plus le Metaverse sera synonyme de continuité entre le réel et le virtuel.

 

Couche #4 : World Engine – le moteur

La couche #4, que nous avons nommée World Engine, correspond à l’ensemble des logiciels permettant le développement des mondes virtuels, des objets virtuels et de leur processus (digital twins) et des personnes virtuelles (avatar ou digital humans). Le World Engine inclus notamment quatre briques essentielles. i) Le moteur graphique, responsable de la création et du rendu de la couche visuelle du monde virtuel. ii) Le moteur logique, responsable par exemple des interactions entre diverses entités virtuelles. iii) Le moteur physique, permettant de créer par exemple des modélisation et simulations multi-physiques réalistes (par exemple concernant la dynamique des fluides ou bien la gravité). iv) Le moteur de présence, permettant aux utilisateurs de se sentir présents dans n’importe quel endroit comme s’ils y étaient physiquement (par exemple, les premières technologies de présence existent dans les cinémas 4Dx qui intègre des visuels à l’écran avec des sièges à mouvement synchronisé et des effets réels tels que l’eau, le vent, le brouillard, le parfum ou la neige). Là encore les technologies sous-jacentes ont des niveaux de maturité assez variables.

 

Couche #5 : Infrastructure – la tuyauterie

La couche #5, que nous avons nommée Infrastructure, correspond, comme son nom l’indique à l’infrastructure physique (réseau, puissance de calcul et stockage) garantissant en temps réel la collecte et le traitement de données, la communication, la représentation et la réaction. L’infrastructure est la tuyauterie qui permet de garantir les trois propriétés essentielles du Metaverse : l’immersion (qui permet de plus en plus aux utilisateurs d’être « dans » Internet), l’interaction (qui permet aux utilisateurs d’interagir en temps réel, comme s’ils se trouvaient dans la même pièce) et la persistance (qui fait que le Metaverse continue d’exister même lorsque l’utilisateur n’est pas connecté). L’infrastructure est probablement la couche la moins sexy et dont presque personne ne parle, et pourtant, il s’agit de la plus critique : l’infrastructure requise pour le Metaverse n’existe pas encore.

 

Couche #6 : Key Enablers – l’huile dans les rouages

La couche #6, que nous avons nommée Critical Enablers, rassemble un ensemble de technologies, principalement logicielles, essentielles au bon fonctionnement des autres couches. Cette sixième et dernière couche est un peu l’huile dans les rouages. Elle rassemble notamment l’IoT (Internet of Things), la blockchain et les NFT, la cybersécurité et l’Intelligence Artificielle (AI). Cette dernière, par exemple, est nécessaire à la génération automatique de jumeaux numériques (Digital Twins) ou bien à la création d’avatars réalistes avec des attitudes réalistes.

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Le framework architecturel présenté ci-dessus est bien sûr une vision simplifiée de la réalité – si tant est que l’on puisse parler de réalité lorsque l’on parle de Metaverse. En cela, il est tout à fait discutable. Et nous vous encourageons à nous dire ce que vous en pensez, voire à challenger ce framework. Cette vue simplifiée, néanmoins, permet d’analyser la complexité qui sous-tend le Metaverse. En particulier, dans les articles à venir, nous plongerons en profondeur dans chacune des couches afin d’en comprendre les tenants et les aboutissants, ainsi que la maturité de chacune des briques technologiques qui le composent. Cette démarche, nous permettra de répondre à la question : faut-il que je m’intéresse au Metaverse dans le cadre de mon business ? Quelles sont les opportunités aujourd’hui et à venir ?

 

Cet article, écrit par Albert Meige et Michael Papadopoulos,a été initialement publiée sur Forbes France.