Il y a très exactement 20 ans, je m’apprêtais, sans le savoir, à contribuer modestement à 2 des 6 briques du Metaverse : je terminais mes études d’ingénieur télécom et le 6 mars 2001, je commençais mon stage à l’Australian National University où j’allais explorer les frontières de la Réalité Virtuelle qui me passionnait déjà à l’époque. Depuis, mon fil rouge n’a cessé d’être intimement lié au digital.
Il y a quelques mois, je publiais dans Harvard Business Review France un article qui détaillait la convergence de trois ingrédients au cœur du Metaverse.
Depuis les annonces de Facebook, beaucoup d’encre a coulé sur le sujet. La majorité des articles et rapports publiés alimentent de nombreux fantasmes. A travers une série d’articles reposant sur une étude approfondie que nous avons conduite sur le Metaverse, Arthur D. Little vous propose d’aller au-delà des fantasmes, de vous aider à mieux voir à travers ce brouillard technologique, et ainsi de vous aider à prendre les bonnes décision business !
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Cet article vise à apporter une réponse à la question « le Metaverse existe-t-il déjà ? Pour y répondre, il est essentiel de définir ce dont on parle. Nous vous proposons donc une définition et nous serions très heureux de connaître votre définition ou bien comment vous souhaiteriez mander la nôtre.
Dans les années 90s, les internautes étaient prisonniers de leur fournisseur d’accès
Quand je pense à Internet au milieu des années 90, je pense au son mythique du modem 56k. Je pense aussi à AOL et à son fameux « vous avez du courrier » (et je suis sûr que certains d’entre vous pensent à la version originale en anglais 🙂 ). Une fois connecté à internet en passant par AOL, il était possible d’accéder à tout un tas de choses mystérieuses. Je me souviens notamment des « chats » – que je prononçais à la françaises (miaou !). Malheureusement cette porte vers Internet n’était en fait qu’une porte vers un proto-Internet entouré de murs infranchissables. Un Walled Garden, sans passerelles vers les autres jardins. Une bulle d’Internet, non connectées aux autres bulles. Impossible d’échanger de l’information ou de communiquer avec d’autres walled gardens tels que Compuserve, Prodigy etc.
Vers la fin des années 90s, il est devenu évident que le navigateur web devait permettre de communiquer et d’échanger des informations avec n’importe quel autre utilisateur, quelque soit son fournisseur d’accès internet (FAI), ou Internet Service Provider ISP en anglais. Les usages ont eu raison des walled gardens et internet est devenu interopérable (dans une certaine mesure).
Le Metaverse (de demain) sera à la convergence d’un ensemble de proto-metaverses (actuels) ou ne sera pas
Le Metaverse est dans le même état qu’internet dans le milieu des années 90s. Il n’y a aujourd’hui pas un Metaverse, mais tout un ensemble de proto-metaverses. Des embryons de « walled garden Metaverse ». La majorité des entreprises, telles que Roblox, Epic, Nvidia, Microsoft, Decentraland and Meta, qui aspirent à développer le Metaverse développent en réalité des plateformes propriétaires non interopérables. Cela signifie qu’il n’est, aujourd’hui, pas possible d’échanger des actifs virtuels ou tout simplement de communiquer d’une plateforme à l’autre. Tant qu’il n’y aura pas d’interopérabilité, il n’y aura pas de Metaverse – et non reviendrons sur cette incertitude critique de manière approfondie dans un prochain article.
Cependant, malgré cet état embryonnaire du Metaverse, il est intéressant de s’intéresser aux définitions et visions long terme que ces entreprises. Malgré l’hétérogénéité de ce qu’elles commercialisent aujourd’hui (et même l’hétérogénéité des industries dont elles sont issues) il existe une forte convergence :
Alors, comment définir le Metaverse ?
Tout d’abord vous noterez que j’utilise le terme « le Metaverse » ; et cela dénote de 2 choses. Tout d’abord, nous utilisons le déter
minant « le » pour souligner le fait que pour parler de Metaverse, une grande interopérabilité sera nécessaire pour sortir de l’ère walled garden / proto-metaverses. Ensuite, de même que l’on utilise le terme Web ou Internet en français comme en anglais, nous utilisons le terme anglais Metaverse pour souligner le fait qu’il s’agit du nom propre donné à cet objet.
Voici la définition que l’on vous soumet pour le Metaverse :
Le Metaverse est la future version d’Internet qui brouille davantage les frontières entre réalité et virtualité, à la convergence des espaces immersifs, des expériences sociales & collaboratives, et de l’économie des créateurs.
« Future version d’Internet » souligne le fait qu’il s’agit une nouvelle évolution d’Internet et non pas un changement de paradigme ou une plateforme privée en particulier. « Qui brouille davantage les frontières entre réalité et virtualité » vise à mettre en évidence que ce que nous appelons réalité est et sera de plus en plus augmenté par des couches d’informations numériques. Par ailleurs, notre définition cherche a souligné le fait que le Metaverse se situe au cœur d’une grande convergence. Ainsi, la future version d’Internet:
- Sera spatialisée et de plus en plus immersif, et tirera parti des environnements 3D issus du gaming et des simulations et modèles numériques issus de l’industrie (jumeaux numériques etc.).
- Permettra de plus en plus d’expériences sociales et facilitera de plus en plus le travail collaboratif à distance.
- Tirera parti de plus en plus de la creator economie[1] (contenus générés par les utilisateurs) et les plateformes de marché vendront de plus en plus d’actifs physiques et numériques.
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Que pensez-vous de cette définition ? Correspond-elle à ce que nous observez autour de vous ? S’appliquerait-elle à votre contexte industriel ?
Dans les prochains articles, nous approfondirons les trois piliers ci-dessus et nous présenterons les briques qui composent Le Metaverse afin d’analyser les obstacles à franchir pour permettre l’avènement du Metaverse. Enfin nous vous proposerons des axes concrets pour saisir des opportunité business réel dès maintenant.
[1] La Creator Economy est une économie facilitée par les applications et des plateformes qui permettent aux créateurs de tirer des revenus de leurs créations (virtuels et réelles).
Cet article, écrit par Albert Meige a été initialement publiée sur Forbes France.