Ce n’est pas un secret, PRESANS est très actif dans le domaine de l’énergie. Nous connaissons bien le secteur. Aujourd’hui, je suis avec le Chief Digital Officer (CDO) d’un grand groupe du secteur de l’énergie. Alors que nous sommes en train de prendre un café, il me demande quoi de neuf. Je lui réponds que je reviens juste d’une expédition à ski de 11 jours en Norvège Arctique en autosuffisance. Comme il sait que nous partageons comme passion commune la photographie, il me demande si j’en ai pris… Nous parlons ensuite drones car nous sommes tous deux en train d’expérimenter ces gadgets dans le cadre de notre passion. Nous convenons que la façon dont le chinois DJI a raflé la mise est sidérante !

Mais ce n’est pas l’objet de notre rencontre du jour : cela fait presque 4 ans que mon partenaire de discussion est devenu CDO, et je suis curieux de connaître les leçons qu’il en tire… quels conseils donnerait-il ? Il a commencé par m’expliquer que lorsque la fonction a été créée en 2015, elle était un point d’interrogation : “On savait qu’il fallait faire quelque chose, mais on ne savait pas vraiment quoi !” Quatre ans après en 2019, on sait mettre des objectifs et mettre des moyens. Il se souvient qu’il y a 4 ans, la question qui intéressait les journalistes était de savoir s’il fallait recruter un CDO en interne ou en externe. Lui-même venait de l’interne. Avec le recul, il pense que c’était un bon choix. Il pense qu’il serait périlleux de devenir le CDO d’une entreprise dont il ne connaît pas le métier. En revanche, il pense qu’il serait un bon conseiller… et voici ses 10 conseils!

Conseil #1 : la transformation digitale (DT) n’est pas technologique, elle est humaine. Le mot important dans “transformation digitale”, n’est pas “digitale”. Le mot important est “transformation”. La DT est avant tout une question humaine et culturelle. Le CDO doit connaître l’organisation qu’il cherche à transformer. Il doit connaître le métier de l’organisation. Il doit en connaître ses particules élémentaires (les personnes) et les champs de forces qui les animent (les leviers pour faire avancer ces personnes). En effet la question se posera très différemment dans un groupe très centralisé, par rapport à un groupe dont les branches sont très autonomes. On doit connaître ses particules élémentaires aussi parce que si certaines personnes clés ne sont pas impliquées dès le départ, celles-ci pourraient poser problèmes par la suite – le Syndrôme de la Belle au Bois Dormant (cf. la méchante fée qui n’avait pas été invitée au baptême de la Belle et qui lui jette un sort pour se venger).

Conseil #2 : la transformation digitale n’est pas technologique, elle est humaine (bis). La DT est humaine à un second titre car le point important n’est pas de partir d’une technologie (par exemple la blockchain) et de se demander ce que l’on pourrait en faire. Le point est de partir des irritants – des problèmes à régler, qu’il s’agisse de problèmes internes (par exemple liés à l’excellence opérationnelle) ou externe (liés à ses clients ou aux utilisateurs finaux). Il faut donc connaître le métier de l’organisation, sa chaîne de valeur, les parties prenantes principales etc., identifier leurs irritants et y apporter des solutions, grâce aux données et à la technologie – qui ne sont que des activateurs (enablers).

Conseil #3 : le CDO doit être curieux et ouvert. Il n’y a pas de recette magique applicable quelle que soit l’entreprise, quel que soit le secteur. Il faut tester et apprendre. Pour cela, le CDO doit être ouvert et curieux. Par exemple, il n’hésite pas à échanger avec son homologue chez un concurrent, car de toute façon sa recette à lui ne sera pas directement transposable.

Conseil #4 : la transformation digitale doit être abordée de façon systémique, et non par le petit bout de la lorgnette. Elle n’est pas la question des business seuls. Elle n’est pas la question de l’IT seule. Elle n’est pas la question de la R&D seule. Et ainsi de suite. La DT concerne l’entreprise dans sa globalité, système entreprise. Aussi le CDO n’a pas besoin d’une armée – il n’a pas besoin d’une équipe démesurée. En revanche, il a besoin de constituer un réseau solide en interne dans les divers organes de l’entreprise.

Conseil #5 : le CDO a un rôle de facilitateur. Pour que la DT se fasse dans de bonnes conditions, il faut une volonté forte de la direction générale (cf. conseil #8), et cette volonté de la direction générale doit être conciliée avec les initiatives qui viennent du terrain. Le CDO doit savoir combiner bottom-up et top-down. En cela, il est possible de comparer l’une des fonctions du CDO à une colonne de distillation (dont je connais bien le fonctionnement pour avoir vu feu mon grand-père opérer son alambic à maintes reprises). Le CDO détecte et trie les diverses initiatives du terrain et contribue à leur priorisation afin de faire émerger celles ayant le plus fort potentiel.

Conseil #6 : dans les phases amont de la DT, il faut favoriser les quick wins. Dans les premières phases de la DT, il faut galvaniser les troupes. Il faut encourager. Il est donc vain de s’attaquer aux problèmes les plus compliqués dès le début. Au contraire, il est bon de favoriser les coui-couines.

Conseil #7 : le CDO se concentre sur l’efficience de l’entreprise. On dit souvent que la DT concerne d’une part l’optimisation de l’existant grâce au digital (digital au service de l’efficience industrielle) et d’autre part la création de nouveaux services. Le rôle principal du CDO peut être de se concentrer sur l’efficience industrielle. La création de nouveaux services, quant à elle, peut se passer plutôt dans les business.

Conseil #8 : le CDO et le CEO doivent être très proches. Le CEO doit avoir une volonté réelle de transformer l’organisation et donner un mandat fort à son CDO. Il doit soutenir régulièrement les divers projets liés à la DT. Dans l’autre sens, le CDO doit avoir une parfaite compréhension de la vision de son CEO afin de pouvoir choisir ses batailles.

Conseil #9 : le CDO doit veiller à un excellent data management même si ce n’est pas un sujet très sexy. Il s’agit en réalité de l’un des points les plus critiques. En effet, trouver la bonne startup avec le bon algorithme qui permettra de résoudre tel problème est relativement aisé. En revanche, être ordonné, et ainsi avoir à sa disposition un jeu de données exploitables par les algorithmes est une autre paire de manche. Un sujet semble-t-il souvent négligé dans les phases amonts de la DT.


*

Les lecteurs attentifs auront remarqué qu’il manque le dixième conseil – le plus important. Pour l’obtenir, il suffit de nous envoyer un email à l’adresse contact@presans.com accompagné de votre réglement en bitcoins…

 

Publié pour la première fois sur Forbes France