Les discours sur la transformation digitale abondent. Qui lire, qui relire dans ce foisonnement? Certainement Nicolas Colin et Henri Verdier, qui publièrent en 2013 L’Âge de la multitude (site 1, site 2). Ils proposent dans ce livre une synthèse originale entre stratégie d’innovation, concepts philosophiques, et volonté de réforme des institutions étatiques.
Selon les auteurs, nous vivons dans une monde hyperfluide d’accélération de l’innovation et de baisse des coûts technologiques, où la valeur économique réside de plus en plus dans ce qui se passe hors des murs des grandes organisations, dans ce qu’ils appellent la puissance de la multitude.
Dans ce nouveau monde, les anciennes organisations sont au mieux des applications qui s’ignorent, incapables de capter la puissance des multitudes faute de se transformer en plateformes, en “infrastructures permanentes du monde hyperfluide”.
La notion de multitude est appréhendée à travers des concepts philosophiques issus pour l’essentiel des “nouvelles réflexions progressistes”, en s’autorisant tout de même une référence à Sloterdijk (cela ne remettrait-il pas en question la toute-puissance des flux, n’en déplaise aux tenants de la thèse d’un monde hyperfluide? L’idée que la puissance des multitudes serait une externalité forcément positive semble également mériter davantage discussion).
La vision des auteurs rompt avec bien des analyses convenues, notamment en insistant sur le fait que le numérique n’est pas une filière, ni un secteur. Après l’échec de la stratégie européenne dite de Lisbonne, c’est toute la conception des politiques publiques de soutien à l’innovation qui est à revoir, en se demandant comment transposer la logique des plateformes du web au monde des grandes organisations publiques et privées. De nombreuses pistes plus ou moins heureuses sont proposées, que ce soit au niveau politique, juridique ou fiscal (dont l’idée d’une assurance couvrant le risque d’innovation — comme quoi Stéphane Gasser n’est pas le seul à défendre cette hérésie).
Le défi consistant à penser des organisations ouvertes commence à peine à être relevé.
Pour des conceptualisations plus critiques : lire Jaron Lanier, Who Owns the Future (chez qui les “serveurs sirènes” correspondent aux plateformes, tout en intégrant les fonds spéculatifs ; Colin et Verdier parlent de Lanier ici). Une telle lecture rapproche du point de vue des troupes placées en première ligne. Mais plus on va dans cette direction, plus le happy talk se raréfie (Eric Meijer, Michael O’Church).
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