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“Notre mode de gestion de l’innovation est confronté à une crise qui pourrait encore durer.” – Stéphane Thiolière

 

Comment le management de l’innovation s’adapte-t-il à la crise économique? Nous nous sommes entretenus autour de ce sujet avec Stéphane Thiolière, Responsable Technique et Innovation chez Saint-Gobain Formula. Deuxième partie de l’entretien.

 

Presans : Quel est le rôle de la R&D Groupe chez Saint-Gobain, notamment dans les projets transversaux que vous avez évoqués?

 

Stéphane Thiolière : Notre R&D Groupe donne des lignes directrices et des directives aux équipes techniques de chaque division pour s’assurer de la cohérence des actions dans le monde. La R&D Groupe a aussi comme mission de gérer des centres d’expertise transverses de Saint-Gobain, comme celui d’Aubervilliers où toutes les technologies de toutes les divisions sont concentrées. On a une très bonne intégration de chacune des divisions, et une remontée des informations qui permet d’avoir des projets vraiment transversaux où l’on peut bénéficier de l’expertise de chacun. C’est vraiment quelque chose qui fonctionne bien.

Il y a beaucoup de partage, de moments de rencontre, de contacts, que ce soit lors de la préparation des budgets, de la préparation des plans ou des suivis de projets. C’est à chaque fois une occasion pour se poser la question de savoir si nous gardons un projet de façon locale ou si nous y gagnerions en mettant en commun des ressources. Ainsi il est possible qu’un projet démarre dans une entité et se poursuive dans une autre, parce qu’un fil conducteur intéressant a été trouvé pour cette autre division. Ce mode de fonctionnement est de plus en plus privilégié.

La R&D va travailler pour le business sur certains projets clairement identifiés,  mais la R&D a aussi pour vocation, et c’est bien normal, de mener des recherches fondamentales pour faire émerger des nouvelles solutions technologiques. On le voit dans le domaine du verre, dans le domaine de l’habitat, avec de nouveaux matériaux.

On a vraiment un protocole qui va dans les deux sens. C’est pour cela qu’on a des responsables R&D au niveau de chacune des B.U., qui vont être la charnière entre la partie marketing et la partie technique. C’est vraiment le maillon clé dans cette transmission de l’information du business vers les centres R&D pour être certain qu’ils vont travailler sur les bons projets, mais aussi remonter de l’information plus fondamentale, ou des tendances technologiques pour être certain que l’innovation à un moment donné permet de mettre un besoin client et une solution technique en phase et de développer un produit.

 

“Nous sommes une société qui travaille au plus près de ses clients — ce qui implique la rapidité et la flexibilité.” – Stéphane Thiolière

 

Presans : Quels sont les objectifs actuels de l’innovation chez Saint-Gobain / SG Formula? Pressentez-vous que l’évolution de la crise économique conduira à transformer ces objectifs, notamment en réduisant l’horizon temporel dans lequel vous travaillez?

 

Stéphane Thiolière : Notre mode de gestion de l’innovation est confronté à une crise qui pourrait encore durer. Dans ces conditions,  je pense qu’effectivement l’horizon temporel des projets sera impacté de manière drastique. Pour Formula le temps de mise sur le marché est déjà un facteur critique. Nous sommes une société qui travaille au plus près de ses clients — ce qui implique la rapidité et la flexibilité.

Dans notre cas un projet peut durer de quelques jours  (notamment si nous avons un client dont le processus de fabrication est stoppé) à quelques années (deux ans, deux ans et demie maximum). Notre spectre de développement va de la modification/adaptations produit à façon jusqu’au développement de solution totalement nouvelle. Ce point est guidé par le type de client sue lequel on se focalise. En effet, certains de nos clients sont des TPE, des PME, d’autres sont des acteurs mondiaux, qui entrent avec nous dans des partenariats à long terme. Avec chacun d’eux on  travaille sur une innovation adaptée.

Nos marchés sont relativement matures, les acteurs sont relativement concentrés, et chacun a les mêmes panels de consommateurs. Les clients que nous interrogeons et avec lesquels nous avons des discussions ont les mêmes échanges avec nos concurrents. Cela signifie que lorsqu’on détecte un besoin chez un client, il faut en profiter pour gagner du temps et effectuer une mise sur le marché la plus rapide possible – bien entendu en agissant de façon cohérente et efficace. L’important est de ne pas perdre de temps. Cela permet de préempter un territoire, potentiellement une propriété industrielle, et de conserver notre position de leader – il s’agit là de l’un des fers de lance de Saint-Gobain. La diminution du temps de cycle est donc très importante. C’est assez étonnant, parce qu’en y réfléchissant, je repense à l’un des cas de projets sur lequel je travaillais quand j’étais chez 3M. Il s’agissait d’un projet grand public, donc le panel était beaucoup plus important. Néanmoins, on s’est retrouvé à mettre sur le marché quasiment au même moment le même produit que notre concurrent, alors qu’on n’avait aucune connaissance de leur développement, et eux je pense aucune connaissance du nôtre. On s’est aperçu que dans la même période de temps, les remontées client ou les besoins clients avaient été capturés par les deux entreprises et intégrés de façon semblable. Le succès commercial du projet s’est donc joué à la rapidité de mise sur le marché…

 

Presans : Votre carrière a commencé chez 3M et se déroule actuellement chez Saint-Gobain : observez-vous des différences culturelles, dans l’approche stratégique et dans le management de l’innovation?

 

Stéphane Thiolière : Le mode d’innovation chez Saint-Gobain et chez 3M est relativement différent. La culture d’innovation est née plus rapidement ou plus précocément chez 3M, ce qui fait qu’elle est plus disséminée à tous les niveaux de l’organisation. Cela ne signifie pas qu’elle soit plus efficace. Elle est un petit peu plus présente dans la culture d’entreprise. Typiquement, chez 3M il n’y pas de responsable innovation, parce que tout le monde a pris en considération le besoin d’innover dans sa fonction, quelle qu’elle soit, et à tout moment. Il y a effectivement un phénomène d’innovation collaborative où les gens vont poster leurs idées, vont être motivés à déposer des brevets. Mais ça se fait d’une façon beaucoup moins structurée, dans le sens où on n’a pas une direction qui s’occupe nécessairement de l’innovation. Chez 3M la gestion se situe davantage au niveau de la R&D, au niveau du management de manière plus générale. Donc je dirais que l’innovation chez 3M se fait un petit peu différemment que chez Saint-Gobain. D’un point de vue implémentation des projets ou utilisation d’outils, je pense que les deux environnements se retrouvent. Les processus d’aide et de support au développement de produits ou de services sont pour la plupart connus. Après, c’est l’efficacité dans la mise en œuvre qui peut varier. La différence se situe au niveau de la culture, non pas au niveau des outils ou de l’approche stratégique.

Presans : Merci pour cet entretien.

 

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Note : L’illustration utilisée ci-dessus  est sous licence Creative Commons ; elle est disponible ici.