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Le mythe de la Plateforme magique d’Open Innovation: introduction

Le terme Open Innovation est à la mode. Et comme tout terme à la mode, il a été galvaudé. L’Open Innovation est pourtant une réponse naturelle à l’inflation des connaissances. Il est aujourd’hui plus efficace d’aller puiser au dehors des connaissances que de les construire dans le sein de l’entreprise. Mais l’expression Open Innovation n’est pas ni un remède miracle, ni une potion magique comme elle est vendue quelquefois.

L’Open Innovation, notion théorisée au début des années 2000, est une pratique que les entreprises ont commencées à mettre en place il y a plusieurs dizaines d’années. L’Open Innovation est le fait pour une entreprise de s’organiser (i.e. mettre en place une organisation, des processus, des outils etc.) afin de tirer le meilleur parti de son environnement extérieur afin d’accélérer ses cycles d’innovation et donc son business, en particulier en s’appuyant sur les nouvelles technologies de l’information et de la communication.

Un des outils pour l’Open Innovation est la « Plateforme d’Open Innovation ». Le buzz autour de ce concept est encore pire que celui de l’Open Innovation. Grâce à, ou plutôt à cause de certains acteurs, beaucoup se sont mis à croire que grâce à une Plateforme web (surtout si elle était dotée d’un moteur de recherche sémantique – autre buzz word!), les entreprises allaient pouvoir poster leurs problèmes, et que des internautes allaient venir apporter des solutions, seule la meilleure étant rémunérée. Grâce à internet, tout est devenu possible, et en plus ça ne coûte presque rien! C’est la naissance d’un mythe!

Notre retour d’expérience accumulé au contact de nos experts et de nos clients:

  1. Il faut des outils informatiques très pointus pour aider à l’identification et à la gestion des personnes qui seront capables d’apporter des solutions: on parle de millions d’experts!
  2. Il faut des talents formés à une méthodologie très robustes pour extraire la quintessence du savoir de l’expert et la transformer en levier actionnable pour l’entreprise demandeuse.

Comment accéder à l’expertise mondiale pour sa stratégie d’Open Innovation?

Il existe des dizaines de millions d’experts dans le monde. Dans le cadre de sa stratégie d’Open Innovation, une entreprise souhaite accéder à de la connaissance externe un peu éloignée de son core business. Comment fait-elle pour mobiliser et/ou motiver? les meilleurs experts, les plus inattendus, et pourtant les plus pertinents? Comment fait-elle pour extraire la substantifique moelle du savoir de l’expert pour le transformer en levier actionnable?

Ce que nous avons appris de nos experts: les meilleurs ne viendront pas s’inscrire spontanément

L’entreprise pourrait décider d’avoir recours à une Plateforme. Elle peut choisir entre:

1. La Plateforme Old-School : la Plateforme qui a une quinzaine d’années d’expérience, plein de références clients (pas toujours satisfaits) – c’est d’ailleurs son argument principal car aujourd’hui elle tire un peu la langue; la Plateforme qui promet que la solution peut venir de n’importe quel internaute qui se sera inscrit sur son site internet. En général cette Plateforme peut avoir jusqu’à quelques centaines de milliers d’inscrits – en générale elle omettra de dire à ses clients que moins de 5%, voire moins de 1%, de ces inscrits sont effectivement actifs… On est donc très loin de la dizaine de million d’experts dans le monde. Les meilleurs experts ne s’inscriront jamais spontanément sur une Plateforme. Les meilleurs sont occupés. Il n’ont pas de temps à perdre. Leur expertise est chère et ils ne souhaitent pas la brader sur une Plateforme qui les rémunérera peut-être si leur « solution » est retenue par le client. De toute façon ça n’a pas trop d’importance: la question sera en général mal posée; la réponse sera donc nécessairement insatisfaisante…

2. La Plateforme qui chasse l’expertise à la demande : voilà ce que nous avons appris de notre réseau mondial d’experts: pour mobiliser les meilleurs, il faut aller chercher ces experts et leur offrir la garantie que s’ils travaillent, ils seront payés (et non peut-être payés). Dans la mesure où il y a des millions d’experts dans le monde, et qu’ils ont publié des centaines de millions de documents sur le web (publications, brevets, conférences, réseaux sociaux etc.), comment trouve-t-on les plus pertinents à priori? Certainement pas à la main. Nous vivons dans un monde où l’information est en surabondance. Pour analyser cette information, il faut des outils de data-mining pour mâcher le travail (et préparer l’analyse humaine). Il faut donc que la Plateforme ait à sa disposition une sorte de Google de l’expertise qui va lui permettre de passer de quelques millions d’experts en base à quelques centaines d’experts contactés pour un appel à expertise. Quelques dizaines seront alors candidats et quelques uns, les meilleurs et souvent les plus surprenants seront sélectionnés, travailleront et seront payés. Les experts sont la richesse de la Plateforme. Il faut être « réglo » avec eux. Il faut leur offrir un service de qualité irréprochable et ne pas croire qu’une Plateforme autorise à les utiliser comme des kleenex.

Fabien Coulon - CTO Presans

Ce que nous avons appris de nos clients: ils veulent plus qu’une liste d’experts; plus qu’une mise en relation; ils veulent des insights.

L’entreprise qui a décidé d’avoir recours à une Plateforme peut choisir entre:

1. La Plateforme magique tout-automatique à la sauce sémantique: ces Plateformes ont contribué au buzz qui a culminé autour de 2010. Ces Plateformes sont plus jeunes que les précédentes (elles ont autour de 5 ans). Elles ont fait un max de comm’. D’ailleurs elles n’ont quasiment fait que ça. Ce sont des championnes du concept. Elle raconte avoir développé un moteur sémantique: les entreprises posent des questions, et un peu comme par magie, elle trouve automatiquement des experts pertinents qui viendront (peut-être) apporter des réponses. Ca marche tout seul! Pas besoin d’être précis dans la description du besoin. Au contraire, soyons le plus flou possible pour laisser libre cours à l’imagination des « experts ». Certains ont essayé…

2. La Plateforme qui chasse l’expertise à la demande, et qui n’a pas oublié que les clients et les experts sont des humains: les clients de Plateformes nous ont appris qu’ils veulent plus qu’un moteur de recherche d’experts ; ils veulent plus qu’une liste d’experts ; ils veulent plus qu’une mise en relation; ils veulent plus qu’une Plateforme 100% web. Ils veulent des insights. Ils veulent de l’actionnable. Ils veulent que la Plateforme et son équipe les aide à reformuler leur problématique, à l’ouvrir, la déplacer. La Plateforme doit chercher l’expert idéal pour son client et son problème comme un chasseur de tête cherche leurs meilleurs cadres. Quand on reçoit une trentaine de propositions d’experts ciblés dans le monde, les clients veulent être aidé pour le choix de l’expert le plus adapté. Quand l’expert a préparé le rapport qui répond à la question posée par le client, ce dernier veut que la Plateforme se charge de l’extraction de la quintessence de la connaissance et du repositionnement dans son contexte business et stratégique. Tout ce travail, ne peut pas être automatisé, et ne peut être effectué que par des personnes ayant une double culture business-technologie et une couverture très large. Un bon profil est par exemple une personne avec une moitié de carrière académique et une autre moitié dans le monde industriel et qui aurait terminé directeur R&D ou directeur scientifique d’un groupe industriel. Ces personnes sont des méta-experts qui font le lien entre la problématique business des clients et le savoir des experts mobilisés.

Jacques Schmitt - Fellow Presans

Open Innovation et Plateformes: un champ d’activité amené à un réexamen collectif

L’Open Innovation et les Plateformes sont un champ d’activité semé de pièges, probablement voué à un réexamen collectif. Face à la révélation plus ou moins nette des échecs que la stagnation a permis jusqu’ici de masquer, il y aura deux réponses : soit “c’était en soit et dès le départ un mauvais champ d’activité”, soit “certains ont su éviter les erreurs et prospérer”.

Pour aller plus loin

Ce retour d’expérience sur les Plateformes d’Open Innovation est détaillé dans

L’hebdomadaire l’Usine Nouvelle consacrait un article de “Bonnes Pratiques” dans son numéro 3354 paru le 21 novembre. Plusieurs sociétés utilisatrices de Plateformes d’Open Innovation, telles que Faurecia, client de Presans, ont été interviewées afin de fournir leur retour d’expérience.

Le journaliste Thierry Lucas m’a par ailleurs demandé de préparer une “note d’expert” sur le sujet de l’Open Innovation. Cette note, visible dans l’article et téléchargeable par les abonnés sur le site de l’Usine Nouvelle, est intitulée: “Le mythe de la Plateforme magique d’Open Innovation – Apprentissages grâce aux experts et aux clients utilisateurs”.

Cet article de blog est tirée de cette note pour l’Usine Nouvelle.