We Are Resilient est le webinaire organisé par Presans pour aborder les questions actuelles de résilience industrielle. Dans ce second épisode, nous abordons la question de l’avenir du secteur pharmaceutique, en prenant pour point de départ les insuffisances de l’approvisionnement en principes actifs du territoire français, révélée au grand jour par la crise du Covid-19. Les intervenants de ce webinaire sont issus d’horizons académiques, industriels et entrepreneuriaux, permettant des éclairages complémentaires et hautement informatifs : 

    • Bernard Meunier, chimiste, Directeur de recherche émérite au CNRS, ancien Président de l’Académie des Sciences, ancien Président du CNRS, et conseiller scientifique de Seqens ;
    • Gérard Guillamot, Directeur Scientifique de Seqens; ancien Directeur R&D de PCAS, il commencé carrière pharma Merrell Dow Pharma, ensuite Schwartz pharma, PCAS, Seqens ;
    • Maya Said a obtenu son doctorat en Science du MIT en Informatique et Systèmes Biologiques. Elle est actuellement CEO de Outcomes4Me et Administratrice Indépendante de la biotech française Transgene et de la biotech américaine Pieris Pharmaceuticals. Elle a été Vice-Présidente Senior Global Head of Oncology Policy and Market Access chez Novartis, et Vice-Présidente, R&D Global, Stratégie, Politique Scientifique et Innovation Externe chez Sanofi, ainsi que Principal au Boston Consulting Group (BCG) ;
    • Jean-Marc Paris, ancien Directeur de la Recherche de Rhodia et actuellement Fellow Presans, spécialiste de la chimie.

 

 

Pourquoi s’intéresser à l’avenir de l’industrie pharmaceutique à travers le cas de Seqens ?

Seqens est une entreprise de chimie pharmaceutique ayant des capacités en chimie industrielle localisées en France. Cette situation résulte d’un choix de développement inverse à celui de la plupart des autres groupes pharmaceutiques et de chimie de spécialité. Ce webinaire permet de comprendre les facteurs qui ont guidé ce qui s’avère être une remarquable réussite industrielle.

 

Guide du webinaire : 

04:02 : L’évolution du secteur pharmaceutique depuis 40 ans ; impact de la biologie et de la génétique moléculaires sur un secteur traditionnellement basé sur la chimie et la biochimie ; contraste entre l’évolution aux USA et l’évolution en France et en Allemagne ;
05:32 : la crise du Covid-19 révèle au grand jour, à travers les ruptures d’approvisionnement en médicaments, les conséquences néfastes de cette évolution ;
07:45 : les difficultés d’approvisionnement en principes actifs existent depuis 20 ans au niveau des pharmacies en France ;
09:17 : l’histoire de l’entreprise Seqens, une société de chimie ;
18:14 : résilience humaine, organisationnelle, écologique ;
21:00 : retour sur le contexte historique du secteur pharmaceutique : consolidation, globalisation, propriété intellectuelle ; partenariats public-privé ;
25:58 : retour sur les médicaments génériques ;
27:54 : défaut systémique de la stratégie d’abaissement des coûts ;
30:55 : équation de la relocalisation de l’industrie pharmaceutique en Europe ;
31:53 : questions axées sur les changements à mettre en oeuvre (que faire ?) ;
34:11 : le renforcement du système de formation en chimie ; 
35:44 : inertie à surmonter ;
36:42 : repatriation des talents ;
37:44 : un exemple de réussite et d’attractivité : l’Université de Strasbourg ;
39:10 : attractivité de la France et de l’Europe ; écosystème de Lyon ;
40:07 : hétérogénéité des systèmes de santé ; les différentes composantes d’un système de partenariat public-privé ;
41:21 : exemple américain de partenariats autour du NIH et de la BARDA ; le cas de la Chine ; le cas de l’Europe et de la France ; argument en faveur de l’établissement d’un Ministère de l’Industrie au sein du gouvernement français pour surmonter la situation actuelle, avec un Ministre issu lui-même de l’industrie ;
48:33 : le rôle des fondations dans l’innovation thérapeutique ; 1800 fondations aux USA dont celle de Bill & Melinda Gates ;
51:06 : la France doit rejeter le concept de société post-industrielle ;
52:01 : évolution des hôpitaux français ; réactivité face à la crise du Covid-19 ;
53:51 : retour sur les équilibres industriels ; possibilités ouvertes par les nouvelles méthodologies (flow chemistry) et par les progrès de la chimie ; cas de la vanilline ;
57:02 : la logique de rentabilité ne suffirait-elle pas pour impulser une relocalisation des activités industrielles dans le secteur pharmaceutique ? ; le besoin de capitaux ; diminution des écarts de coûts de main d’oeuvre avec la Chine ; l’état en France doit réduire la pression sur le capital productif et sur le coût du travail ;
59:30 : différence entre la France et l’Allemagne ;
59:53 : la décision d’investissement dans un monde globalisé ; le facteur de la stabilité ; succès de la Suisse ;
63:05 : importance de la question de l’innovation dans le domaine de la prise en charge ; possibilités de la télémédecine et des big data ;
64:45 : l’importance des médicaments chimiques est sous-estimé ;
65:40 : la chimie doit cesser d’être mal vue ;
67:36 : besoin d’un Ministre d’état de l’industrie ;
69:00 : importance des synergies industrielles.

 

Mes quatre takeaways

Les acteurs de la relocalisation des activités industrielles

La relocalisation des activités industrielles exige un équilibre coopératif entre les acteurs suivants : 

  • Systèmes de santé, comprenant les autorités de régulation ;
  • Institutions de formation et de recherche ;
  • Entreprises industrielles ;
  • Fondations de recherche ;
  • Les autorités publiques ;
  • Les organisations citoyennes, notamment locales.

Chaque acteur de cette liste est organisé et possède une conscience de son objectif. Tous sont évoqués dans le cadre du webinaire. Il conviendrait d’ajouter le facteur national et européen, dans la mesure où il permettrait d’envisager un équilibre fondé sur le bien commun. Il revient au système politique de réaliser la coordination autour d’un tel équilibre.

 

L’équation de la relocalisation des activités industrielles

Le cas de Seqens suggère que les facteurs industriels qui permettent de développer une activité rentable sont les suivants : 

  • Innovation sur les procédés ;
  • Innovation incrémentale sur les produits ;
  • Marketing global permettant de trouver des débouchés à des niveaux de volume adaptés (par exemple le marché des nord américain) ;
  • Résilience humaine, organisationnelle, écologique ; 
  • Attractivité des carrières.

L’industrie ne constitue cependant que l’une des composantes de l’équation de la relocalisation. La rentabilité dépend de facteurs qui dépendent aussi des autres acteurs de la relocalisation : 

  • Les systèmes de santé doivent arbitrer entre minimisation des coûts des médicaments et innovation, et résilience de l’approvisionnement ; il doivent aussi réduire le poids de l’encadrement administratif vis-à-vis des opérationnels, notamment dans les hôpitaux ;
  • Les institutions de formation et de recherche doivent augmenter le poids des enseignements scientifiques pour former les ingénieurs et les techniciens que la relocalisation des activités industrielles appelle ;
  • Les fondations de recherche doivent pouvoir bénéficier d’un cadre fiscal adapté ;
  • Les autorités publiques doivent s’appuyer sur les centres d’excellence académique et industrielle ; elles doivent réduire la pression sur l’activité industrielle (charges fiscales pesant sur le capital productif et sur le travail) ; la commande publique, les capitaux publics, ainsi que le droit de la concurrence et de l’environnement constituent d’autres leviers clés ;
  • Les organisations citoyennes doivent intégrer les réalités de la relocalisation industrielle et tourner la page de la société post-industrielle.

La plus grande difficulté pour la France est bien connue. Elle réside dans la puissance de blocage des activités du reste du système par certains acteurs qui défendent par ce moyen leur intérêt et leur position dans l’équilibre actuel. Face à cette réalité, les entreprises ont par le passé eu tendance à opter pour une stratégie d’exit, en installant leurs activités productives ailleurs. La question qui est posée est donc celle de la coopération au sein du système.

 

Prendre en compte la dimension politique du défi

L’un des aspects décisifs de ce futur équilibre coopératif réside dans le rééquilibrage des profils au sein des instances de direction politique. La prépondérance actuelle des profils juridiques et financiers semble conduire à une performance largement sous-optimale du système sur le long terme. Ce thème a été évoqué par le Professeur Bernard Meunier, mais je note que d’autres voix s’élèvent depuis un moment pour attirer l’attention du pays sur ce point ; je pense notamment à Pierre Vermeren.

Nos participants ont donné des arguments convaincants pour orienter le nouvel équilibre coopératif vers des partenariats public-privé renouvelés, pouvant trouver des formes diverses (coopératives, par exemple), capables de financer les investissements productifs qui permettront aux activités industrielles relocalisées d’être à la fois compétitives et résilientes.

 

Lancer de nouvelles synergies entre partenaires industriels, basées sur des thèmes technologiques

Les acteurs industriels (non concurrents) peuvent aussi prendre l’initiative de mutualiser leurs ressources afin d’explorer de nouveaux potentiels technologiques, ainsi que les éventuelles complémentarités entre applications et secteurs d’application de ces technologies. Dans le même esprit, Presans organise des Synergy Factory, portant des thèmes technologiques d’avenir intéressant une pluralité de secteurs. J’encourage vivement nos lecteurs travaillant dans l’industriel à manifester leur intérêt pour ce type d’approche coopérative en remplissant ce formulaire !