Le mardi 17 octobre 2017, dans le cadre des Journées Evolen, Albert Meige, CEO et fondateur de Presans animait une table ronde consacrée au sujet suivant : Transformation digitale — Bouleversements pour les hommes et les organisations.

Participaient à cette table ronde les personnalités suivantes issues du monde de l’industrie :

  • Mostéfa Laroussi, Directeur du Centre européen de formation, Schlumberger
  • Olivier Parent du Châtelet, Associé, BearingPoint
  • Vincent Champain, Directeur Général, GE Europe
  • Nicolas Menet, Sales Manager, Axens
  • Serge Dautrif, CEO, Synapscore

Ce groupe a examiné la mise à l’agenda industriel de la transformation digitale sous les cinq angles suivants :

  • Pourquoi digitaliser l’industrie?
  • Où en est la digitalisation de l’industrie?
  • Quelles sont les étapes de la digitalisation industrielle?
  • Quel est l’état d’esprit qu’appelle la digitalisation industrielle?
  • Quelle organisation adopter pour mener à bien la digitalisation industrielle?
Pourquoi digitaliser l’industrie?

La digitalisation se baserait selon Vincent Champain sur une décision économique. La nouvelle donnée est l’évolution de la structure des coûts qu’entraîne l’émergence d’une génération de microprocesseurs bon marché. L’équivalent de 4000 fois la puissance de calcul du système de guidage d’Apollo 11 est disponible aujourd’hui à un prix 75 000 plus bas. Ce fait entraîne une recomposition massive de la chaîne de valeur, une explosion du volume de données dans des domaines variés tels que celui de la santé. Il engendre aussi une multiplication des failles de sécurité potentielles et un besoin pour l’industrie de pouvoir protéger ses actifs en s’appuyant sur des protocoles de sécurité robustes.

Où en est la digitalisation de l’industrie?

Le défi principal est actuellement de trouver les bonnes applications et cas d’usage pour réaliser le potentiel technologique de la digitalisation. Autrement dit, l’industrie dans son ensemble se pose en ce moment de manière active la question de savoir par où commencer? Un questionnement qui se décline en autant de variations sectorielles, où interviennent des acteurs spécialisés tels qu’Axens, comme l’a expliqué Nicolas Menet.

Quelles sont les étapes de la digitalisation industrielle?

Lors de vagues technologiques antérieures, deux phases se succèdent : une première phase incrémentale, puis une phase de rupture. Lors de la phase incrémentale, la nouvelle technologie est intégrée à des dispositifs existants. Elle procure des gains de performance de l’ordre de 20%. Lors de la phase de rupture, les dispositifs sont repensés à partir des paramètres de la nouvelle technologie.

La digitalisation peut être appréhendée à travers la formule de Warren Buffet, rappelée par Vincent Champain : les ingénieurs créent d’abord une nouvelle technologie ; les imitateurs clonent ensuite ces technologies ; puis les imbéciles de la finance font croire au marché que les arbres plantés par les premiers vont aller jusqu’au ciel ; enfin un niveau normal survient suite à l’effondrement de la bulle — situation qui pourrait concerner l’intelligence artificielle, dont les domaines d’application et les limites ont fait l’objet de discussions.

Quel est l’état d’esprit qu’appelle la digitalisation industrielle?

Vincent Champain a défendu l’idée d’un « schumpeterisme interne » fondé sur une stratégie « de Tobrouk » (dont il a déjà été question ici) : concevoir rapidement des projets, et les lancer en vue d’apprendre et d’affiner les compétences clés que sont la data science, le développement agile et le design thinking. Il s’oppose à la sur-théorisation et au risque de se retrouver à seulement parler de digitalisation, au lieu de la faire.

Serge Dautrif a invité à faire avancer la digitalisation en imaginant la mobilisation de l’intelligence collective des entreprises sur le modèle du moteur à explosion :

  • Admission : en donnant envie de collaborer.
  • Compression : en instaurant une tension.
  • Explosion : d’idées, de priorités, de plans d’action.
  • Capitalisation : afin de ne pas perdre les acquis d’un cycle d’action.

Serge Dautrif note également le changement d’état d’esprit en matière d’accès à la donnée, le partage étant a priori justifié, et la charge de la justification incombant désormais au non-partage.

Quelle organisation adopter pour mener à bien la digitalisation industrielle?

Selon Albert Meige, le paysage actuel suggère l’existence de quatre grands types d’entreprises :

  • Les entreprises traditionnelles
  • Les entreprises numériques (GAFAM, BATX)
  • Les entreprises industrielles-numériques (Tesla)
  • Les entreprises mutantes (GE)

Les différents participants ont discuté de la meilleure manière pour un grand groupe industriel d’organiser sa transformation digitale. Dans le cas de GE, c’est une unité business entière dédiée au digital qui a été créée.

Mostéfa Laroussi a montré le rôle stratégique joué par les ressources humaines dans la transformation digitale de Schlumberger, où la digitalisation est pilotée depuis quatre ans par un département dédié. Le besoin de compétences nouvelles, de diversité, ainsi que les nouvelles caractéristiques générationnelles conduiraient à repenser la gestion du recrutement, de la formation et de la rétention des ressources humaines.

Olivier Parent du Châtelet a fait observer que 60% des postes qui seront proposés en 2030 n’ont pas d’existence aujourd’hui, et que plus du tiers des métiers actuels seront transformés. Le rôle central des ressources humaines dans la digitalisation se justifierait par l’importance d’une gestion de carrière renforcée pour les profils digitaux si prisés sur le marché du travail actuel.

Vincent Champain a noté que les trois fonctions des cadres selon Mintzberg seront fortement impactées par la digitalisation :

  • Broker d’information
  • Allocation de ressources
  • Représentation de l’entreprise à l’extérieur

Un impact qui prendra la forme d’une latéralisation, d’une décentralisation, et d’une horizontalisation : l’organisation ouverte est en marche.