Il a eu des dizaines, voire des centaines de tentatives de réseaux sociaux pour scientifiques et pour chercheurs au cours des 3 dernières années. Le nouveau « Linkedin pour chercheurs » ou « Facebook pour scientifiques»: www.collab.com, www.academia.edu, www.academiaconnect.org, biomedexperts.com etc. Même la Fondation Pierre Gilles de Gennes a récemment lancé un réseau social pour ses chercheurs.
Bien que certains proposent de réels « incentives » pour les chercheurs (http://www.labmeeting.com etc.), bien que d’autres offrent des outils véritablement utiles pour les scientifiques (http://www.mendeley.com etc.), l’immense majorité des réseaux sociaux pour chercheurs sont vouez à l’échec.
Pourquoi ?
Pourquoi les chercheurs ne sont-ils pas déjà sur les réseaux sociaux comme LinkedIn ? On pourrait penser que c’est parce que ceux-ci ne sont pas suffisamment ciblés et ne fournissent pas d’outils ou de services vraiment utiles.
C’est vrai. Cependant, il y a aussi des réseaux qui ont été conçus « par des chercheurs pour les chercheurs», et malgré cela, ils n’ont pas été largement adoptées. Pourquoi la plupart des réseaux sociaux pour chercheurs ne fonctionnent-ils pas?
Ils ne tiennent pas compte de l’actif le plus précieux des chercheur
Le temps.
Le temps est le bien parmi les plus (sinon le plus) précieux des chercheurs.
L’une des idée principale derrière les réseaux sociaux (et plus généralement derrière le web 2.0) est que les utilisateurs créent le contenu.
Les chercheurs n’ont pas de temps à perdre sur les réseaux sociaux. Ils ont à peine le temps de maintenir à jour leur base bibliographique, dans leur domaine, à peine le temps de garder le contact avec proches collaborateurs. Comment pourraient-ils « perdre » du temps en contribuant à un forum, en commentant un sujet en dehors de leur domaine ? Les journaux à comité de lecture sont ce qui importe vraiment. C’est ainsi que les chercheurs sont « évalués ». Pas en étant actif sur un réseau social.
« Les réseaux sociaux sont chronophage. »
Absence d’incitations
La deuxième raison pour laquelle les réseaux sociaux ne sont pas utilisés par les chercheurs est qu’il n’y a pas d’incitation, de motivation valable.
«Partager, connecter et discuter votre recherche … »
Et alors?
Les chercheurs ne partagent pas, ne se connectent pas et ne discutent pas de cette manière. Ils publient dans des revues à comité de lecture, ils vont en conference et au pub.
Les services s’appuyant sur l’effet réseau
Même si votre réseau social présente une gamme de services vraiment cool, si ceux-ci reposent sur le nombre d’utilisateurs du réseau social, il sera très difficile d’amorcer la pompe. En outre, il y a un nombre croissant de réseaux sociaux pour chercheurs, ce qui tend à diluer la communauté d’utilisateurs potentiels.
Les scientifiques ne sont pas (très) social
Les scientifiques ne cherchent pas des gens, ils cherchent plutôt des solutions.
«Ce n’est pas les scientifiques qui sont sociaux, ce sont les données… »
Quelle est la recette pour démarrer un Facebook pour les chercheurs?
Votre réseau social pour scientifiques doit:
- Résoudre un problème pressant et s’inscrire dans les processus habituels des chercheurs (ex.: extraire automatiquement à partir d’un fichier PDF les infos bibliographiques au format .bib).
- Etre mieux: ce service dont être beaucoup mieux que l’existant pour justifier le changement d’outil.
- Etre évident (ergonomique): l’utilisation (pourquoi et comment) du service doit être complètement évidente.
- Etre ouvert: l’outil doit utiliser des formats ouverts et standard, permettre d’importer facilement et automatiquement ses contacts et autres infos.
- Etre prépeuplée: si vous m’invitez sur votre réseau social et qu’il est vide et que rien ne s’y passe je ne reviendrai pas (et je suis Dr en physique).
Cela va changer
Parce que les nouvelles générations sont sur les réseaux sociaux. Ils n’envoient pas e-mails (c’est ce que faisaient leur parents), ils e-mail et chat via Facebook. Y compris pour les questions professionnelles. De facto, les chercheurs utiliseront tôt ou tard les réseaux sociaux. Mais ce ne sera sans doute pas grâce aux réseaux sociaux pour scientifiques.
Je bien peur que ce soit tout bêtement la peur qui éloigne les chercheurs des réseaux sociaux. La recherche est organisé sur un modèle pyramidal, et ceux qui sont en haut n’ont pas besoin de la visibilité qu’apporte le web tandis que ceux qui sont en bas sont occupés à se surveiller les uns les autres pour voir qui va monter sur le premier barreau.
On est encore loin des écologies a la Linux qui permettent de construire quelque chose en commun. Les articles sont réservés à des revues de rang AAA et deviennent innacessible au commun des mortels du fait des couts prohibitifs d’abonnement aux revues. C’est vraiment dommage, parce que en science humaines notamment, les folsksonomies nous économiseraient un temps précieux.
Ce n’est pas nouveau, les réseaux sociaux verticaux n’ont un intérêt que pour ceux qui cherchent la visibilité sur internet. Pour faire simple : ces réseaux sont des repaires à consultants.
On pourrait croire que ces réseaux seraient utiles aux chercheurs, qui ont aussi besoin de visibilité auprès de leurs pairs. Cependant il y a le temps, comme évoqué ici. Cependant aussi, il faut être conscients que si les consultants se font de la visibilité par des articles d’opinion, les chercheurs préfèrent passer leur temps d’écriture sur des publications de recherche.
Un réseau social pour chercheur ? Pourrait on imaginer que Google Scolar en soit un au fond ? Un réseau social extrêmement lent, où les publications se font à la suite d’autres publications à des mois d’intervalle.
Un vrai réseau social pour chercheur, avec tout ce qui va bien pour que ce soit un réseau social et non un moteur de recherche de documents, pourrait intégrer ces mécanismes de publications et de citations, qui sont l’essence du métier, pour apporter une réelle utilité en plus d’un hypothétique aspect social soumis à masse critique d’utilisation qui ne sera jamais atteinte.
Imaginons que ce réseau soit une base de données de documents, gratuits et payants, telle que Persée, facilitant la recherche de sources, avec tout ce qui va bien pour les citations et le ranking, permettant également de découvrir l’ensemble des publications de chacun et de le contacter au besoin. Imaginons aussi qu’on y ajoute des mécanismes qui permette de dresser une liste de chercheurs et de thèmes dont on souhaite suivre l’activité afin d’être avertit des nouveaux papiers. Un tel réseau serait à la fois utile pour la recherche et probablement plus facile d’utilisation que le système actuel des revues.