Introduction : Où allons-nous ?

L’évolution des interfaces homme-automobile a longtemps suivi un rythme assez lent. Certains éléments ne changent pas fondamentalement depuis un siècle… mais la transformation digitale chamboule décidément tout, et pourrait, pourquoi pas, aller jusqu’à supprimer dans un proche avenir des instruments de contrôle aussi familiers que le volant ou la pédale de frein.

Mais en arriverons-nous réellement là ? L’intervention de Frédéric Charon, Group Technology Strategy Manager chez Faurecia, lors de Dystopia 2019 a montré que la réponse à cette question n’est en rien évidente : 

 

Pour contribuer à cette ligne de questionnement, l’occasion se présente à nous de faire un tour rapide des interfaces homme-machine (HMI) appliquées à l’automobile. Un horizon de technologies actuellement bouillonnant.

 

Premier point : l’interface homme-automobile au carrefour des dynamiques de disruption

Avant de parler de véhicule autonome, rappelons le fait qu’il y a déjà des tendances lourdes au niveau des systèmes d’aide à la conduite tendant de plus en plus à remettre en question l’interface de pilotage classique. 

A cela s’ajoutent de nouvelles modalités de contrôle : la voix, pour diriger le travail d’assistants digitaux, mais aussi les gestes manuels, intéressants pour un conducteur dont les mains sont typiquement moins disponibles pour effectuer des réglages par voie tactile. 

Certains constructeurs proposent des assistants digitaux, dont le but semble être de favoriser la fusion émotionnelle entre conducteur et machine. Tiré de la description par BMW de son service d’assistance :

“Lorsque vous saluez l’assistant personnel intelligent BMW avec « Hey BMW, je suis fatigué » après une longue journée de travail, il lance un programme de revitalisation dans lequel il adapte l’ambiance lumineuse, la température et la musique en conséquence. Si, par contre, vous lui dites que vous vous ennuyez, il adapte automatiquement les paramètres à cette humeur. Votre déclaration « Hé BMW, j’ai froid » lui suffit aussi pour régler automatiquement la température intérieure.”

Le système scanne aussi les agendas pour indiquer les meilleurs itinéraires menant à des points de rendez-vous.

Mais ces tendances ne suffiraient pas, à elles seules, à chambouler les systèmes HMI des voitures si ces dernières n’étaient pas vouées à devenir de plus en plus connectées sur la base d’une architecture ouverte et interopérable. Le véhicule individuel devient ainsi un élément du système de mobilité et non plus une voiture indépendante. Les HMI ne sont que la partie émergée d’un ensemble de facteurs tendant à effacer la frontière entre le véhicule et ce qui lui est extérieur.

 

Deuxième point : opérateurs embarqués vs. opérateurs débarqués

Cet effacement des frontières entraîne une multiplication des HMI. Le conducteur à l’intérieur du véhicule devient un opérateur embarqué, auquel peuvent s’ajouter des opérateurs… débarqués, nichés dans une tour de contrôle, mais eux aussi équipés d’une HMI adaptée pour surveiller les états de conduite d’une flotte de véhicules, et pouvoir rapidement intervenir en cas de besoin. La notion de manager de flotte prendra ainsi à l’avenir un tout autre sens que celui qu’il possède aujourd’hui.

 

Troisième point : l’interface constitue un aspect important du futur véhicule autonome

Cette redistribution des rôles s’inscrit dans une tendance dont le terme n’est autre que le véhicule autonome. Aujourd’hui, nous restons assez loin de l’autonomie complète, telle qu’elle est définie dans la classification en 6 niveaux (0-5) utilisée dans ce domaine, et que nous rappelons dans une fiche technologique consacrée au véhicule autonome, publiée en mai 2018 sur open-organization.com. Pour mémoire, voici les six niveaux : 

  • 0 : véhicule traditionnel dépourvu de fonctions automatisées ; 
  • 1-4 : assistance croissante à la conduite, systèmes d’information du conducteur et de reprise en main pendant les phases de délégation de conduite.
    • Le niveau 3 permet une conduite automatisée dans des situations pré-définies, dans lesquelles le conducteur doit toutefois reprendre le contrôle de manière “instantanée”.
    • Le niveau 4 correspond à une conduite automatisée dans des situations pré-définies, sans contrôle ni reprise en main de la part du conducteur.
  • 5 : automatisation totale.

Le niveau ultime du véhicule autonome n’embarque plus que de simples passagers (riders et non drivers). La HMI change alors totalement de nature et vise à satisfaire les besoins de loisir ou de travail des passagers… voire à augmenter le taux d’utilisation de l’actif “voiture” en la mettant à disposition d’autres passagers : n’est-ce d’ailleurs pas là la vision de l’avenir de Tesla selon Elon Musk ?

 

Conclusion : Que voulons-nous ?

Les constructeurs intègrent déjà l’idée d’une fusion émotionnelle entre opérateur et HMI du véhicule. Dans ce nouvel univers de possibilités technologiques, on peut se demander ce qu’il restera du plaisir de conduire, au-delà des images d’une époque révolue, à l’instar de celle qui orne ce billet ? Gageons que la conception des nouvelles HMI automobiles ne perdra pas de vue cet aspect… surtout s’il persiste à exister comme facteur concurrentiel de différenciation.

 

Cet article a bénéficié du concours de Bernard Favre, Fellow Presans.