Pierre Gohar est actuellement Directeur de l’Innovation et des Relations avec les Entreprises à l’Université Paris Saclay. Après un début de carrière dans la recherche au CEA, il explore le monde de l’entrepreneuriat en fondant ou en accompagnant des startups technologiques. Il porte la conviction que notre société vit une profonde mutation de valeurs que nos organisations, et notamment nos organisations éducatives, doivent impérativement intégrer dans leur fonctionnement. Il appréhende enfin cette mutation comme une crise spirituelle, et se tourne vers la longue histoire des civilisations pour proposer ce qui se veut une voie de sortie par le haut de cette crise.
1. Quel parcours vous a amené au poste de Directeur de l’Innovation et des Relations avec les Entreprises à l’Université Paris Saclay?
J’ai un parcours scientifique à l’origine. J’ai fait une thèse à l’École des Mines, en génie des procédés industriels. Puis j’ai fait cinq ans de recherche au CEA. À partir du début des années 1990, j’ai franchi la limite entre recherche fondamentale et monde de l’entreprise, et depuis cette période je suis un acteur de l’innovation, donc depuis plus de 25 ans. J’ai touché un peu à tout dans le monde de l’innovation : accompagnement des PME sur des programmes innovants, création de startups, direction de l’innovation au CEA, où j’étais directeur adjoint de l’innovation, directeur de l’innovation sur l’ensemble du CNRS, aujourd’hui l’Université de Paris-Saclay, et probablement demain un nouveau challenge que j’ignore encore, ce qui est extrêmement motivant. Mon expertise réside dans l’accompagnement d’entreprises (PME-PMI) pour développer un programme d’innovation ; dans son financement ; dans l’accompagnement de startups, de l’identification de projet jusqu’au développement ; dans la création et la consolidation d’écosystèmes, surtout à travers les interconnections et les interactions des dispositifs entre eux, qui sont plus importantes que les dispositifs eux-mêmes, pour fertiliser un territoire.
Aujourd’hui je m’occupe de l’innovation à l’Université de Paris-Saclay. Nous avons travaillé sur trois axes majeurs : 1) la relation industrielle. 2) Le transfert de technologie des résultats de recherche des laboratoires vers les entreprises (création d’une flilière dédiée). 3) L’entrepreneuriat étudiant dont on ne parle pas suffisamment dans un milieux prestigieux de recherche et de formation, mais c’est un élément qui devient de plus en plus lisible et attractif. Une partie toujours plus importante des étudiants, aujourd’hui, s’oriente vers l’entrepreneuriat au motif que ce sont des initiatives qui ont du sens pour eux, que ce sont des projets sur lesquels ils peuvent travailler sur le mode du partage, je dirais même : sur un mode solidaire. Ce sont des valeurs qu’ils ne retrouvent plus dans le monde économique actuel, et à ce propos je lance une alerte sérieuse : si on ne prend pas en compte ces orientations de nos jeunes talents, on risque d’avoir un assèchement des candidatures à l’intégration dans les gros bureaux d’études des grands groupes industriels. Et ça débouche sur une dernière remarque : il est urgent que les modes de management et les valeurs sur lesquels se fondent les groupes industriels évoluent rapidement, sinon de moins en moins de talents iront s’intégrer dans ces grandes structures industrielles.
2. Comment s’est déroulée votre évolution vers le monde des entreprises au cours des années 1990?
J’étais dans un centre de recherche du CEA, et j’ai vu une annonce un jour d’une institution qui s’appelait à l’époque l’ANVAR, qui est ensuite devenue OSEO puis BPI innovation, qui cherchait à recruter des ingénieurs à forte culture technologique. Parallèlement, en 1990, le CEA avait lancé un programme de détachement de quelques ingénieurs dans les délégations régionales de ll’ANVAR pour s’approprier la culture du monde des PME, pour après faire revenir ces ingénieurs en interne et leur donner des postes dédiés au transfert de technologie et à l’innovation. J’ai candidaté, j’ai été accepté — ce qui a irrité la direction du centre de recherche, puisque j’avais un programme à développer au Commissariat à l’Energie Atomique — et je me suis énormément plu dans cette nouvelle mission d’aller rencontrer des PME PMI, d’identifier leurs problématiques ou leurs besoins en innovation, et après de les accompagner jusqu’à la mise en route et au développement de ces programmes, avec une forte composante financière, puisque l’objectif reste quand même, pour la PME, de faire du chiffre d’affaire. Et donc il fallait mesurer très tôt l’impact de l’innovation sur la croissance du chiffre d’affaires.
J’étais en Poitou-Charente, un territoire qui au début des années 1990 avait quelques pépites thématiques : je pense à l’image, avec la bande dessinée à Angoulême, au nautisme, du côté de Rochefort, au feutres et textiles, toujours du côté d’Angoulême, à la sous-traitance mécanique et aéronautique sur l’axe Châtellerault-Tours. Il fallait accompagner et développer la dynamique d’excellence des équipes qui animaient ces pépites. C’est cette expérience qui a implanté dans ma conscience une petite graine d’entrepreneur. L’aventure s’est présentée en 1995, quand l’École des Mines a décidé de faire un transfert de technologie vers un grand groupe industriel, à partir de procédés que l’École des Mines avait développé. Un ancien camarade m’a appelé pour m’en parler et à ce moment j’ai eu l’intuition au niveau tripal que cette opportunité était pour moi. J’ai créé la société New Option Wood (NOW), dont l’objet était de traiter un bois à très haute température sous une atmosphère contrôlée, dans un réacteur (un gros four, pour parler plus classiquement), pour lui conférer des propriétés d’imputrescibilité, de résistance à la bio-dégradation, et de stabilité dimensionnelle (ce qui l’une des faiblesses du bois à l’heure actuelle, notamment dans des conditions d’humidité : au contact avec le sol, il pourrit). L’idée était de prendre des bois indigènes, le peuplier ou le pin maritime, et de leur donner des propriétés qu’ils n’ont pas naturellement. Ce procédé, au milieu des années 1990, était un procédé propre, thermique, et proposait une alternative au traitement chimique du bois, qui comportait de l’arsenic. Le projet s’est très bien dévelopé, avec beaucoup de perspectives internationales, deux sites industriels construits en trois ans. Physiquement lessivé, j’ai revenu mes actions au bout de trois ans (en 1998), gagnant un peu d’argent, et c’est à ce moment que le CEA m’a rappelé pour me confier le poste de directeur adjoint de l’innovation sur l’ensemble du CEA. Ces trois ans de startup m’ont sans doute le plus appris : notamment dans les domaines de l’action commerciale et de l’ingéniérie industrielle. Cette expérience m’a énormément servie pour ensuite développer les relations au sein du CEA. Le CEA est aujourd’hui sans doute le seul organisme de recherche en France qui a cette politique de valorisation quand ses cadres supérieurs vont à l’extérieur puis reviennent avec une expérience atypique. C’est aujourd’hui l’organisme qui a sans doute la plus forte culture industrielle en France, parmi les organismes de recherche. Après trois ans à ce poste de direction adjointe de la valorisation au CEA, donc vers le début des années 2000, le gouvernement a lancé un appel d’offre pour la construction d’incubateurs de startups, dans le cadre de la loi de l’innovation (Allègre), et le CEA m’a demandé de travailler sur le montage de plusieurs incubateurs territoriaux dans lesquels le CEA était impliqué. Paradoxalement, j’ai candidaté à la direction de ces incubateurs et j’ai été accepté en Poitou-Charente, une région que j’avais connue quand j’étais à l’ANVAR, mais où le CEA n’avait pas de centre. Donc je suis parti créer un incubateur de startups technologiques en partant de zéro. J’ai reçu un exceptionnel appui de la part de l’Université de Poitiers, de l’Université de La Rochelle, de toutes les collectivités territoriales, dont le Conseil régional, très moteur dans la naissance de ce dispositif. C’est le plus long segment de mon parcours professionnel, puisque je suis resté sept ans à la direction de cet incubateur (Étincel). J’ai constitué une équipe, on a constitué des antennes dans les différentes capitales régionales. On a vu 300 projets environ et on a créé 60 startups en l’espace de 7 ans. J’ai failli partir en Direction Générale de trois de ces startups, sur proposition des équipes de pilotage. À l’époque, on avait mis en place une méthode d’accompagnement, qui s’appelait Via Designer, qu’on avait co-développée avec Via Neo, une société que j’ai co-fondée. Cette méthode est fondée sur l’itération d’une posture techno-marché, de telle sorte que quand le startuppeur confirme son application, il a parfaitement identifié les fonctionnalités qui correspondent aux besoins de ses futurs clients. À l’époque, ce qui dominait dans le transfert de technologie était plutôt une culture d’ingénieurs : on allait jusqu’au prototype qu’on allait vendre au client sans même s’être soucié de ses besoins, a fortiori des usages ou de l’expérience utilisateur. Maintenant, les perceptions ont changé.
3. Parmi les pépites incubées, lesquelles ont particulièrement bien percé?
L’accompagnement de projets est avant tout une aventure humaine. J’ai rencontré des jeunes, des moins jeunes, des talents exceptionnels, avec des valeurs, avec des enthousiasmes, des interrogations. J’ai gardé énormément de relations amicales avec ces équipes. Il y a quelques projets qui se sont vraiment très bien développés. Je pense à une société créée à La Rochelle par deux femmes docteurs scientifiques, Genindex, qui dès les années 2000 a commercialisé un kit d’analyse ADN pour le monde agricole (élevage), permettant la traçabilité de l’animal au bifteck. C’était assez révolutionnaire à une époque par ailleurs marquée par diverses épidémies. Une deuxième société, Biocydex, s’est développée dans le domaine des biotechnologies, pilotée par deux enseignants-chercheurs de l’Université de Poitiers, dédiée à faciliter le drug delivery (vectorisation des principes actifs), en développant des molécules spécifiques qu’on appelle molécules cages (cyclo dextrine). Je pourrais en citer d’autres.
4. Quelle est la place de l’université dans l’innovation?
Le rôle principal c’est d’encourager, d’enthousiasmer, d’accomagner éventuellement les jeunes étudiants dans le développement de leur culture entrepreuneuriale. L’acte d’entreprendre est quelque chose de très général qui renvoie à notre capacité à évoluer dans un monde incertain. Aujourd’hui, notre principale faiblesse en France, tous les indicateurs le démontrent, c’est que le choix d’avoir résolument basé le système éducatif sur une culture de l’ingénieurs (qui a eu sa pertinence dans l’après guerre pour reconstruire les grandes infrastructures nationales) n’est plus adapté aux grands enjeux sociétaux. On demande à des jeunes ou à des moins jeunes d’avoir la capacité de prendre des décisions dans un environnement incertain, or l’ingénieur a besoin du code de calcul qui va bien et de tous les paramètres qui alimentent le code de calcul, pour à la fin déterminer une feuille de route, ce qui est tout juste impossibe dans un environnement incertain. Il faut premièrement réhabiliter le rôle de l’intuition, au-delà de la raison, puisqu’on ne peut pas maîtriser l’intégralité de l’information, dès lors qu’on est dans l’incertitude. Deuxièmement, pour réhabiliter l’intuition, il faut développer une confiance en soi, une créativité qui sont des valeurs qui ont été éradiquées de notre système éducatif dès la maternelle. Quand un jeune un peu rebelle sort qui cadre, il est immédiatement remis dans le cadre ou/et sanctionné, ce qui est une aberration totale et contredit totalement la culture entrepreneuriale où on demande à un jeune ou à un moins jeune de sortir du cadre, de prendre des risques, d’explorer des situations de rupture. Troisièmement, il faut que nos jeunes en formation développent leur capacité à travailler en équipe, à collaborer. On en voit l’émergence, mais notre système éducatif, qui a été fondé sur l’élitisme, c’est-à-dire sur l’exclusion de l’autre parce qu’on doit être le meilleur compétiteur. Aujourd’hui, il s’agit là d’une aberration totale, dans un monde incertain où ce sont les interactions avec les autres qui créent cette propriété émergente qu’on appelle l’intelligence collective. Donc il faut développer sans tarder (et il y a des initiatives) la capacité à interagir avec d’autres dans le cadre de projets, pour bénéficier de cette inteligence collective, qui est une clé, voire la seule clé qui permet d’aller vers le succès. Il faut apprendre à collaborer avec des profils différents du sien, alors qu’on a éduqué nos jeunes à être consanguins : plus on va dans les grandes écoles plus on est consanguin après lorsqu’on se trouve à des postes de management dans les entreprises, ce qui constitue une faiblesse pour le développement. Il faut également apprendre à collaborer dans un contexte multiculturel. Je précise que le mode de travail en collaboratif n’est pas du tout antinomique avec la dimension d’autonomie qu’on attend de chacun. Ce qu’il faut vraiment savoir conjuguer, c’est l’autonomie et la collaboration : l’ouverture aux autres, la capacité d’écoute, l’empathie, le respect. C’est aussi un mode de travail qui est aujourd’hui absolument nécessaire pour garantir le succès d’un transfert technologique. Le client, le futur usager doivent être intégrés dans l’intelligence collective, dès le départ d’un projet d’innovation. Donc : cessons de former des bêtes à concours, formons des jeunes qui soient ouverts les uns aux autres et qui soient dans l’empathie et respectueux des différences. Ce qui n’est pas incompatible avec un enseignement de très haute qualité. Notre système privilégie la dimension du savoir sur celle de l’être. Il est temps d’inverser la perspective.
4. Qu’appelez-vous la dimension de l’être?
La dimension d’être correspond à des valeurs que je qualifie d’humaine voire spirituelles. C’est-à-dire que dans ces dimensions d’être il y a des valeurs qui touchent à la sphère de l’émotion, du sentiment, à celle du comportement, de l’action, et à la sphère de la réflexion. Il y a donc trois dimensions de l’être : une dimension cognitive, une dimension sensitive, et une dimension active. Or aujourd’hui, on voit que ces trois dimensions sont en permanence en opposition les unes par rapport aux autres. “Le cœur a ses raisons que la raison ne connaît pas” (Pascal) : c’est excactement ce que l’on observe aujourd’hui, et cela crée des mal-êtres, qui peuvent déboucher sur des pathologies plus lourdes. Comment notre système éducatif peut-il réhabiliter et harmoniser ces trois dimensions de l’être humain, pour évacuer le mal-être. Comment faire pour transformer notre système éducatif, et au-delà du système éducatif, notre société, pour introduire ces valeurs d’être qui sont un enjeu sociétal majeur, puisqu’on ne cesse aujourd’ui de parler de la nécessité de vivre ensemble.
Pour cela, il faut trouver un point d’appui à l’intérieur de chaque individu — sans doute l’un des mystères de l’être les plus importants et les mieux préservés. Il a été mis en exergue par différentes civilisations et différentes traditions. Quand on regarde l’histoire de nos civilisations, lorsque celles-ci ont su réhabiliter, ré-enflammer ce point d’appui présent dans chaque individu, au-delà des barrières collectives et individuelles, en s’en servant pour harmoniser les trois facteurs de notre faculté de conscience, on a vu apparaître des sociétés qu’on pourrait qualifier d’idéales, que ce soit en Orient ou en Occident, et ceci sur des milliers d’années. Ce point d’appui, en Orient on l’appelle le joyau dans le lotus. Au Moyen Orient on l’appelle le dépôt sacré que Dieu a confié à l’homme. Et, dans la tradition judéo-chrétienne, on l’appelle le grain de sénevé. C’est cette dimension que je qualifierais de cachée ou de secrète qui est présente en chaque individu, qui fait que celui-ci a naturellement une sensibilité à la perfection, à la beauté, à l’amour, à la liberté, à la fraternité.
La vraie question, c’est comment, alors que notre système éducatif et la société dans son ensemble ont oublié cette dimension que je qualifierais à la fois de transcendante et d’immanente, mais qui est présente en tout homme, comment peut-on, sans rentrer, sans s’enfermer dans le cadre restreint du dogme religieux, aujourd’hui réhabiliter cette domension intérieure que chacun possède? La voie qui permet cela est ce que je qualifie de spiritualité. C’est une voie totalement autonome, car chacun doit être libre et autonome pour parcourir ce chemin que je qualifie d’intérieur. Mais c’est aussi une voie collective.
Il ne pourra pas y avoir de développement d’une société fondée sur le vivre ensemble, sur le respect intégral de l’autre tant que cette dimension intérieure n’aura pas été redécouverte. Car, quand on découvre intérieurement cette dimension, dans son être, on la découvre comme par un effet d’echo chez les autres. C’est cette dimension qui dépasse les clivages individuels, les cultures, les formatages, les héritages, qui est au-delà de tous ces cadres contraignants que chacun porte parfois comme un boulet ou comme une prison, c’est cette dimension qui unifie les êtres dans un mouvement spontané. J’ai l’intime conviction que c’est une nécessité aujourd’hui de redécouvrir l’essence, la quintessence même de la dimension humaine, qui est loin d’être un accident biologique dans l’insondable histoire de l’univers, considéré comme un parcours linéaire qui nous conduit de la naissance à la mort, et que dans cette horizontalité il est vital de découvrir et d’instaurer une verticalité : une authentique spiritualité qui libère, qui permet de découvrir des espaces de liberté impressionnants, qui réunit, qui unifie tout en gardant l’extrême richesse de la diversité, qui libère de tout dogme, qu’il soit d’ordre cognitif, qu’il soit du domaine du savoir ou du religieux, qu’il soit du domaine comportemental. Se libérer des dogmes est un impératif, aujourd’hui, qui permet de regarder l’autre comme quelqu’un qui peut nous enrichir, intérieurement, plutôt que quelqu’un qui nous fait peur par sa différence. Ce sont là les fondements d’une nouvelle société, qui devra impérativement émerger dans les décades à venir, sous peine d’une destruction causée par de graves conflits qui surgiront à l’avenir au niveau local, national ou international. On voit aujourd’hui que le monde est entré dans un double mouvement, on le voit au niveau international : le repli identitaire, qu’on observe aussi bien au niveau international que national, sur des valeurs obsolètes, des valeurs anciennes, sur l’exclusion de l’autre, sur la peur de l’autre, sur la fermeture de ses frontières. C’est un mouvement qui s’amplifie à l’heure actuelle. Il y a un contre-mouvement, qui pousse à la redécouverte de l’autre au-delà de ses différences, à la capacité de l’accepter, à la capacité de vivre ensemble dans cette diversité, à la possibilité de développer une intelligence collective, qui se nourrit de cette diversité, qu’elle soit culturelle, qu’elle soit fondée sur les expériences diversifiées de chacun. Dans cette compétition aux enjeux majeurs, quel est le plateau de la balance qui va l’emporter? Chacun de nous, nous devons être un acteur pour faire en sorte que les valeurs d’unité, les valeurs qui permettent de développer cette ouverture vers l’autre, cette capacité de vivre ensemble, l’emportent sur l’exclusion, la peur et l’angoisse des différences.
5. Quels sont vos héros?
Paradoxalement, je dirais que je trouve mes héros dans ces constellations d’individus qui ne se sont jamais considérés comme des héros, qui ont redécouvert en eux-même cette dimension, cette étincelle lumineuse immanente et transcendante, et qui dans cette découverte sont rentrés dans un forme de suprême abandon de soi et d’humilité absolue, qui les a fait se mettre au service de cette construction d’une nouvelle société fondée sur ces valeurs d’unité plutôt que d’exclusion. Ces individus ont existé quelle que soit l’époque. J’ai eu l’occasion d’étudier pendant de nombreux mois une communauté informelle qui s’est développée au quatorzième siècle, appelée les Amis de Dieu, dans le cadre d’un mouvement appelé la mystique rhénane. J’y ai trouvé des valeurs universelles, qui pourraient profondément nous faire réfléchir aujoud’hui. Mais je les retrouve aussi chez Platon, quand il décrit les fonctions de base de la construction de la cité dans la République. Je les retrouve chez Pythagore, dans les communautés gnostiques du début du christianisme. Je les retrouve dans des courants de pensée comme le catharisme, qui s’est développé à partir du douzième siècle dans le Languedoc, chez nous en France. On les retrouve dans les grandes pensées alchimistes du seizième, chez les rosicruciens du dix-septième siècle. La vraie question, c’est de savoir où sont ces individus aujourd’hui? Ont-ils construit des ordres spirituels où chacun trouve cette autonomie, cette liberté, mais où il dispose également de la capacité de rencontrer d’autres individus qui sont sur le même chemin de la redécouverte de ces valeurs essentielles et fondatrices de ce que j’ose appeler la véritable humanité. Les héros ont existé de tous temps, à toutes les époques, sous tous les cieux, et il en existe très probablement aujourd’hui, qui oeuvrent avec humilité et discrétion pour déployer ces valeurs authentiques, ces valeurs de la véritable humanité.
Calls for Expertise & Innovation Contests
Inject on-demand expertise into industrial innovation projects to accelerate decision making and overcome technical and scientific obstacles
J’ai eu récemment l’occasion d’échanger avec Pierre Gohar.
Son écoute, sa vision globale, son analyse fine et son enthousiasme en faveur d’un monde meilleur sont autant d’atouts en faveur des porteurs de projet qu’il conseille.