Pour toute organisation, le choix stratégique d’innover dans un domaine s’accompagne du choix d’un modèle de gestion de l’innovation, typiquement caractérisé selon son degré et ses modalités d’ouverture aux autres acteurs participant au domaine. De fait, le défi de l’innovation exige de plus en plus une forme de partage des ressources afin d’explorer un domaine commun, qu’il s’agisse d’applications technologiques, d’usages sociaux ou de marchés. Cette réalité est d’autant plus incontournable lorsque l’innovation vise à introduire une rupture technologique ou marketing.
Les ruptures étant difficiles à créer au sein d’organisations matures, leur mise en oeuvre efficace tend à s’appuyer sur des formes diverses d’ouverture ou de transversalité stratégiques. Pour de nombreux groupes industriels, le choix du modèle de gestion de l’innovation de rupture est envisagé à partir de deux grandes solutions : soit créer une spin-off issue de l’entreprise-mère et pouvant être hébergée par un incubateur, soit entrer dans le capital d’une start-up créée à l’extérieur de l’entreprise. C’est cette seconde approche que nous nous proposons d’aborder au travers des cas de SEB et d’Alstom.
SEB Alliance
Mettre le numérique au service de la cuisine
La création récente du fonds d’investissement SEB Alliance n’a probablement pas échappé aux afficionados de cuisine parmi nos lecteurs technophiles. En effet, sa première prise de participation a concerné la start-up texane Key Ingredient, dont l’objectif n’est autre que de mettre le numérique au service de la cuisine. Une passion pour le monde de la cuisine mise à part, quelles sont les raisons qui sont à l’origine de SEB Alliance?
Un outil de veille
Le Groupe SEB (Paris : SK) gère plus de seize marques de petit équipement domestique, ainsi que huit implantations industrielles à travers le monde. Confronté à la concurrence des pays émergents, le Groupe a choisi de se donner les moyens de sa stratégie d’innovation. Doté d’un capital de 30 M€, le fonds SEB Alliance vise ainsi à soutenir l’exploration de la pointe des usages dans le domaine des équipements domestiques, au travers d’un grand nombre d’axes thématiques : vieillissement de la population, préservation du capital corporel, développement durable, nouvelles énergies, numérique, robotique… axes auxquels correspondent autant de dispositifs de veille orientés vers la détection de projets innovants.
Le rôle majeur des start-ups
La stratégie de SEB Alliance suggère que les start-ups accomplissent une fonction d’exploration majeure dont les grands groupes peuvent capturer les bénéfices à long-terme. Comment souvent, la question est ici de déterminer selon quelles priorités et critères peut et doit s’opérer la détection des projets innovants. En l’absence de clé d’analyse pertinente, le réservoir d’innovation que constituent les start-ups pour les grands groupes risque de demeurer un réservoir virtuel. La réponse à cette question apportée par les business angels et les spécialistes du capital-risque peut en effet varier : faut-il privilégier les qualités de l’équipe porteuse du projet, ou faut-il en dernière analyse s’appuyer sur le potentiel du marché ? La veille doit-elle inclure un processus permanent d’estimation des marchés, ou peut-elle se contenter de se focaliser sur la population des entrepreneurs, source d’informations et de cibles d’investissement potentielles ? Enfin, comment accéder à des expertises non présentes au sein de SEB, indispensables pour évaluer le potentiel d’un projet sous l’angle technologique et marketing?
Les nouveaux usages
Le premier investissement de SEB Alliance révèle de ce point de vue l’importance que revêt le niveau des usages pour orienter l’évaluation d’un projet. Bertrand Neuschwander, Directeur Général Adjoint du Groupe SEB, en charge des Activités, explique ainsi [source] :
Les produits connectés font leur apparition dans nos cuisines. De la même façon que, dans les années 1950, le succès de la Cocotte Minute a été porté par le célèbre livre de recettes de Françoise Bernard, nous pensons que le développement de la cuisine se fera autour de recettes numériques et des services qu’elles autorisent. Key Ingredient nous apporte des solutions et des compétences qui nous permettent d’accélérer notre plan de recherche et de bientôt proposer aux consommateurs des appareils et des services intégrant un contenu numérique.
L’inclusion de Key Ingredient dans le portefeuille de SEB est pertinente parce qu’elle correspond à une analyse stratégique des usages qui permettront de diffuser l’innovation technologique.